"La liberté ne peut être que toute la liberté ; un morceau de liberté n'est pas la liberté." (Max Stirner)."
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27 mai 2006

Vers l’Etat totalitaire ?

par Gilles Sainati

Le projet de loi de prévention de la délinquance : Alerte !

De nombreux textes ont été votés depuis ces dix dernières années en matière de procédure pénale, de peines et d’ordre public. Citons : la loi sur la sécurité quotidienne, la loi sur la sécurité intérieure, les lois Perben I & II, la loi sur la récidive, la loi sur l’égalité des chances... Ces textes (sauf peut être le dernier cité) instauraient un Etat sécuritaire. Le nouveau projet Sarkozy intitulé prévention de la délinquance est d’une autre nature ; il jette les bases symboliques et réelles d’un Etat totalitaire. Et les termes sont mesurés...

I) le contrôle social par les maires

Le maire devient le coordonnateur et animateur de la prévention de la délinquance sur sa commune. Pour cela :

- il doit être informé de toute intervention d’un professionnel au bénéfice d’une personne présentant des difficultés sociales et, si plusieurs travailleurs sociaux interviennent, le maire désigne un coordonnateur,
- il doit être informé par l’inspecteur d’académie de la liste des élèves domiciliés dans son ressort pour lesquels un avertissement a été adressé,
- le secret professionnel partagé est la règle de fonctionnement entre ces travailleurs sociaux, et le maire " reçoit du coordonnateur toutes les informations nécessaires à l’exercice de sa compétence"
- il peut mettre en place un conseil pour les droits et les devoirs des familles, qui peut adresser des recommandations à la famille, destinées à prévenir des comportements susceptibles de mettre l’enfant en danger ou de causer des troubles pour autrui
- il peut proposer un contrat de responsabilité parentale à la famille, et si des troubles à l’ordre public sont signalés sans que cela ne constitue une infraction, le Maire peut obliger à la famille à ses frais un stage de responsabilité familiale. Ou s’il s’agit d’une infraction pénale, saisir le procureur de la République ou encore faire suspendre les allocations familiales ou mettre en place une tutelle aux prestations familiales
- le maire, lorsqu’il y a des troubles à l’ordre public sans constitution d’une infraction, peut seul prononcer un rappel des obligations " résultant de l’ordre que la loi le charge de maintenir", mesure inscrite sur un fichier tenu par le conseil pour les droits et devoirs des familles".
- il doit être informé de toute sortie d’essai d’un malade psychiatrique sur son ressort sous 24 h
- il initie des poursuites pénales pour les contraventions des quatre premières classes

Il convient en outre de noter que les gardes-champêtres se voient dotés de pouvoirs plus importants : dresser des PV des contraventions des trois premières classe et au code de la route, y compris de dépistage d’alcoolémie et de stupéfiants au volant.

Commentaire : le maire est devenu le supérieur hiérarchique des travailleurs sociaux, un destinataire de toutes les informations sociales, judiciaires et médicales des citoyens sur son ressort. Doté de pouvoir de justice, de sanctions civiles et financières, il est le nouveau délégataire de la puissance publique. On assiste ainsi au retour à une forme d’organisation administrative sans contre pouvoirs.

II) Multiplication du fichage

En plus de la création du nouveau fichier municipal du conseil pour les droits et les devoirs des familles, cette loi crée :

- au niveau municipal, un fichier municipal du versement des prestations familiales incluant les données nominatives relatives aux enfants en âge scolaire
- un fichier incluant le résultat du dépistage précoce des enfants présentant des troubles du comportement et des signes de souffrances psychique tenu... par la PMI
- un fichier dépendant du ministère de la santé concernant les personnes hospitalisées d’office consultables par les autorités judiciaires, la police, le préfet

Commentaire : le fichage se généralise pour mettre en place les thèses comportementalistes de dépistage précoce.

III) La vidéo surveillance : nouvelle grande cause nationale

La pose d’installation de vidéo surveillance permet de bénéficier de réductions d’impôts substantielles comme le sont les mesures concernant la protection de l’environnement et les énergies renouvelables.... ainsi que l’embauche de gardiens. Notons aussi toute une législation réglementant la fermeture des portes des copropriétés... qui doivent être fermées de jour comme de nuit.

IV) Les nouvelles jeunesses miliciennes

Faisant faussement le parallèle avec l’armée et son lien avec la nation (par le biais de la conscription démocratique notamment), la loi vise à instaurer un lien Police/nation, sur la base du volontariat, avec le service volontaire citoyen de la police nationale.
- Celui-ci a pour mission la médiation sociale, la solidarité, la sensibilisation au respect de la loi.
- Les jeunes français d’au moins 17 ans pourront souscrire un engagement pour 5 ans et bénéficieront s’ils s’engagent d’un report de limite d’age pour les concours administratifs et de facilité lors de ces concours administratifs
- Une réserve civile est créée

Commentaire : le projet symbolique est là. Créer un statut administratif supérieur et dérogatoire aux jeunes miliciens. Quelle sera la prochaine étape ? On peut s’interroger sur la pertinence de cette disposition, d’autant plus qu’il existait déjà les adjoints de sécurité, les médiateurs, tous susceptibles de s’intégrer sous contrat aux forces de police. Mais là, le cap est passé dans la mesure où c’est une jeune milice qui est en cours de constitution, chose impensable en République et démocratie, et avec comme justification l’ »intégration ».

V) Les nouvelles peines

Le code pénal se voit affublé de nouvelles peines et de nouvelles incriminations, et donc de nouvelles missions :

a) Psychiatriser le crime :
- extension du suivi socio-judicaire en matière d’atteintes aux personnes (crimes)
- élargissement de la notion de violence conjugales aux pacsés et anciens concubins, divorcés ou ex pacsés

b) Etendre la morale :
- extension de la notion d’infractions sexuelles au fait de mettre à disposition ou d’exposer à la vue d’un mineur des documents de nature sexuelle ou violente. Une extension est prévue aux oeuvres cinématographiques
- extension de ce régime à l’internet

Commentaire : il convient de s’assurer de la compatibilité de ce nouveau régime avec la liberté d’expression artistique, la censure risque de s’accroître.

c) Enfermer les mineurs :
- mesure d’éloignement
- exécution de travail scolaire
- placement dans un internat
- centre éducatif fermé pour les mineurs de mineurs de moins de 16 ans
- incarcération des mineurs de moins de 16 ans par le mécanisme du contrôle judiciaire pour les peines encourues de 7 ans
- mesure d’activité de jour
- mesure de TIG à l’égard des mineurs de 13 ans ( initiation au travail) - présentation immédiate dès que la peine encourue est supérieure ou égale à 1 an

d) Eduquer par le redressement psychique
- par le travail : la sanction réparation
- par le stage : stage de responsabilité parentale, stage de sensibilisation aux dangers liés à l’usage des stupéfiants

e) Sanctionner plus durement les occupations d’entreprises et manifestations non violentes
- création d’un délit d’occupation des infrastructures de transport (6 mois encourus et amende). Cela s’entend de tout type de transport.

Commentaire : Chaque point mérite développement. Notons le sort peu enviable des mineurs délinquants dont l’éloignement et l’incarcération sont les solutions pédagogiques choisies, ce qui nous replonge au XIXème siècle. On en connaît les résultats. La encore, ainsi que pour le foisonnement de stages obligatoires, le comportementalisme a gagné. L’on croirait assister à l’éclosion de camps de redressement dignes de la Chine populaire.

VI) Les nouveaux pouvoirs de la police

La police se voit encore dotée de nouveaux pouvoirs
- En matière de stups, extension des perquisitions dans les lieux à usage professionnel de transports publics et dépistage
- En matière de stups, possibilité d’infiltrations, de provocation aux délits, d’acquisition de stupéfiants

L’extension des méthode troubles de travail des policiers s’étend et se généralise, après la bande organisée (Perben II) voilà l’infraction à la législation des stupéfiants.... Catégorie pénale fourre tout, autant dire extension sans fin des pleins pouvoirs de la police.

VII) L’internement administratif pour trouble à l’ordre public

Les maires, commissaires de police et préfets se voient désormais dotés de pouvoirs en matière d’hospitalisation d’office. L’intervention médicale n’est plus qu’un avis

En conclusion : En attendant le Chef charismatique

Ne s’agit-il que de seuils, de bornes pénales qui seraient dépassées ? En réalité, se mettent en place les structures d’un nouvel Etat qui, au regard de celui qui existait il y a seulement 5 ans en France, peut être qualifié de totalitaire en ce que :

- Il remplace l’accompagnement social par un contrôle tous azimuts des personnes suspectées de déviance,
- Place au rang de l’élite de la nation une police d’ordre public qui embrigade la jeunesse, pour la former... à quoi ?
- Transforme la mission éducative en procédés de redressement,
- Instaure la vidéo surveillance et la peur comme mode de relations entre les citoyens, au profit un Etat décentralisé en féodalités liées entre elles... par la révérence à un Leader.

Il ne manque plus que la réforme institutionnelle qui mettra en place ce Leader charismatique : il suffit d’attendre la campagne présidentielle de M. Sarkozy...

Gilles Sainati

Gilles Sainati est magistrat, membre du Syndicat de la magistrature

1 Comments:

At 17 juin, 2006 14:19, Anonymous Anonyme said...

Comment on dit déjà.... Ha oui!! ETAT POLICIER!!!

 

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