CPE - Non M.de Villepin : un jeune sur quatre n’est pas au chômage !
Du bon usage des statistiques
Cette affirmation répétée à loisir par la droite s’appuie sur un chiffre de l’Insee : celui de 23,6 % de jeunes de 15-24 ans au chômage.
Ce chiffre signifie-t-il pour autant ce qu’il paraît signifier ? C’est-à-dire que 23,6 % des 8 millions de jeunes de cette catégorie d’âge seraient au chômage. Non ! Car si tel était le cas, ce serait prés de 1 900 000 de ces jeunes qui seraient au chômage. Ils représenteraient, à eux seuls, prés de 75 % du nombre total des chômeurs en France. Cela se saurait.
En réalité, toujours selon l’Insee, le nombre de chômeurs âgés de 15 à 24 ans représente 8 % de ces 8 millions, soit 650 000 chômeurs environ.
En effet, comme le souligne une étude de l’ANPE de 2002, à propos de la définition du chômage retenue dans les calculs de l’Insee (celle du Bureau International du Travail) : « cette notion est trompeuse à un double titre ».
D’abord parce que « ce taux est très sensible à l’âge »
Le taux de chômage des 15-24 ans est nul à 15 ans : les jeunes sont tous scolarisés. En 2005, il culmine à un peu plus de 30 % pour les jeunes de 20 ans : nombreux sont à cet âge là ceux qui sont sortis de l’enseignements sans qualification. Il redescend à un peu moins de 20 % à 24 ans : de nombreux jeunes sont alors entrés dans la vie active avec une qualification leur permettant d’accéder (relativement) rapidement à l’emploi.
« Mais surtout, il est calculé sur la base de la seule population active »
Or, qu’est-ce que la population active ? Ce sont les jeunes qui occupent un emploi ou qui en recherche un.
Ainsi, s’il y avait 1000 jeunes à la recherche d’un emploi entre 16 et 17 ans et qu’aucun de ces jeunes n’aient trouvé d’emploi, avec les critères du BIT, 100 % des jeunes de cette tranche d’âge seraient considérés comme étant au chômage. Et cela, même si ces 1 000 jeunes ne représentent que 0,1 % des jeunes entre 15 et 16 ans, les 99,9 % autres étant scolarisés !
Il en va de même, à une autre échelle, pour l’ensemble des jeunes de 15-24 ans. Ils ne sont pas tous à la recherche d’un emploi. Au contraire, 62 % de la population concernée ne recherche pas d’emploi : elle est au lycée ou à l’Université.
Les 23,6 % ne concerne donc que les 38 % de la population des 15-24 ans qui est à la recherche d’un emploi ou qui a un emploi. Ceux que le BIT considère comme constituant la population active, population à partir de laquelle est calculée le taux de chômage.
Si l’on considère la totalité de la classe d’âge 15-24 ans, le nombre de jeunes réellement au chômage (c’est-à-dire à la recherche d’un emploi) ne s’élève qu’à 8 %. C’est bien sûr beaucoup trop, mais cela n’a rien à voir avec le chiffre-catastrophe de 23,6 %. D’autant que ce taux de 8 % est de même nature que le taux de chômage de l’ensemble de la population (il est même inférieur d’un point).
En réalité, sur la totalité de cette classe d’âge, le chômage ne concerne pas un jeune sur quatre comme le répète à satiété de Villepin mais un jeune sur 13. Ce qui n’est pas exactement la même chose.
Ce n’est bien sûr pas par hasard si de Villepin et la droite martèlent ce chiffre de 23,6 % de jeunes au chômage
Il veulent faire entrer dans la tête des gens que le problème des jeunes est hors du commun et qu’il faut donc lui apporter une solution hors du commun : le CPE. Mais les gens en question sont de plus en plus nombreux à comprendre que l’objectif que s’est fixé le gouvernement n’a pas grand-chose à voir avec le chômage des jeunes mais beaucoup à voir avec la généralisation de la précarité exigée par le Medef.
La répétition de ce chiffre a une autre fonction : justifier (sous la forme, notamment, d’exonérations de cotisations sociales) les aides accordées aux employeurs qui embaucheraient des jeunes. Le but non avouée est toujours le même : baisser le coût du travail pour permettre aux profits d’augmenter leur part dans le partage des richesses créées chaque année.
Il est donc particulièrement regrettable que les différentes propositions rendues publiques par les « présidentiables » du PS - dans le cadre d’une concurrence libre et non faussée par une quelconque synthèse - s’inscrivent dans la même approche. Celle qui considère les jeunes comme une catégorie spécifique dont le taux de chômage justifie de multiplier les aides aux employeurs.
D’autres solutions
A partir du moment où l’on reconnaît que le taux de chômage moyen des jeunes de 15-24 ans n’est pas différent de celui de l’ensemble de la population, les solutions apparaissent également sous un autre jour.
Il faut certes, tout d’abord, trouver une solution au problème des jeunes (souvent issus des lycées professionnels ou techniques) qui quittent l’enseignement sans qualification. La situation de ces jeunes explique le pic du nombre de jeunes de 20 ans à la recherche d’un emploi et qui n’en trouvent pas. Cette solution nécessite, avant tout, de donner à l’Education nationale les moyens financiers et humains d’assurer à tous les jeunes l’acquisition d’un socle commun élevé de connaissances et d’une formation qualifiante.
Il faut, ensuite, prendre des mesures qui concernent non pas une catégorie spécifique mais l’ensemble de la population active puisque le taux de chômage est à peu prés le même. Limiter la précarité en instaurant des quotas de CDD et d’intérim à ne pas dépasser dans chaque entreprise. Abroger toutes les mesures de la droite qui ont allongé le temps de travail : sur la vie entière (la loi Fillon sur les retraites), sur l’année ou la semaine (les contingents d’heures supplémentaires). Instaurer par la loi des vraies 35 heures dans toutes les entreprises. Remplacer, enfin, tous les départs en retraite dans le secteur public.
Jean-Jacques Chavigné, pour FM-D&S, Forces militantes pour la démocratie et le socialisme.
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