Claude Allègre, nouvelles contrevérités sur le climat
Claude Allègre, nouvelles contrevérités sur le climat
L'ancien ministre socialiste et qui voulait devenir ministre de Nicolas Sarkozy publie ce matin un nouvel article sur le climat dans l'hebdomadaire Le Point. Il est fondé sur des contreverités factuelles impardonnables pour un scientifique censé respecter un minimum de règles éthiques dans sa communication avec le public.
La première est la plus énorme. Voici ce qu'écrit Claude Allègre :
"Les très officielles et respectées agences Hadley Center, Nasa, GISS ont effectivement confirmé que l'année 2007 avait été caractérisée par une chute des températures de 0,60 à 0,75°C, une valeur qui annule en un an l'augmentation moyenne de températures depuis vingt ans".
Or, voici justement ce qu'écrivait le GISS (Goddard institute for space studies), donc l'équipe de James Hansen, dans son bilan de l'année 2007: "L'année 2007 est la seconde année la plus chaude dans la période couverte par les données instrumentales, derrière l'année record en 2005".
Comme l'éminent géochimiste a t-il pu en arriver à écrire une telle énormité ? Tout simplement parce qu'il fait semblant de ne pas savoir lire une courbe sur un graphique. Il présente en effet, à l'appui de sa tonitruante affirmation, une courbe des écarts moyens de températures depuis 1988 à l'échelle mondiale, établie par le Hadley Center, le centre de recherche du Met Office britannique.
Or, il se trouve que le mois de janvier 2008 est exceptionnellement froid, à l'échelle mondiale. Mais Claude Allègre raisonne comme si la température moyenne de ce seul mois de janvier 2008 était celle de toute l'année 2007. Une erreur grossière qui vaudrait un zéro pointé à un étudiant de première année en géosciences.
Voici la courbe des anomalies de températures mondiales et la carte de celles de 2007 établies par l'équipe de James Hansen, au GISS.
La baisse de 0,60°C à 0,75°C dont parle Claude Allègre existe, mais elle résulte d'une comparaison entre le seul mois de janvier 2007 et le seul mois de janvier 2008. Comme janvier 2007 fut exceptionnellement chaud - le troisième mois de janvier le plus chaud depuis un siècle ! - et celui de janvier 2008 exceptionnellement froid... il est logique que la chute soit drastique. Voici d'ailleurs la carte des anomalies de températures en janvier 2008
Cette carte explique l'origine de cette situation exceptionnelle. Si l'anomalie froide sur l'Asie centrale est peu ou prou compensée par une anomalie chaude sur l'Europe du Nord et la Sibérie, l'essentiel se joue sur le Pacifique tropical. La grande tache bleue signale que l'océan est le siège d'une Nina de très grande ampleur. Il s'agit de la phase froide de l'oscillation bien connue des climatologues et des océanographes dont le nom scientifique est ENSO, pour El Nino southern oscillation. En phase chaude - El Nino (désolé pour les hispanophones, mais je ne sais pas mettre le tilde sur le n...) se traduit par un énorme glissement vers l'Amérique des eaux chaudes de surface. C'est l'El Nino de 1997-1998 qui explique que l'année 1998 fut longtemps la plus chaude du siècle. Puis, en phase froide, ce sont les eaux profondes, froides, qui s'étendent plus que d'habitude à la surface du Pacifique Est. Le satellite d'altimétrie Jason observe cette Nina depuis la fin de 2007.
La comparaison faite par Allègre entre les deux mois de janvier 2007 et 2008, et présentée de manière ou mensongère ou erronée, est donc de peu d'intérêt climatologique. La preuve : on observe une chute de même ampleur entre le mois le plus chaud de 1998 et le mois le plus froid de 1999. Déjà, c'était l'oscillation El Nino/La Nina qui était en cause.
Claude Allègre, dans son article multiplie les exemples d'événements météo ou saisonniers récents - chutes de neige, températures extrêmes locales - comme s'il s'agissait d'arguments climatiques, alors que seules les fréquences sur longue durée de tels événements ont un sens climatique. Cette confusion entre les aléas d'une météo chaotique par nature et les tendances climatiques provoquées par des changements dans les facteurs déterminants du climat (effet de serre, énergie solaire, volcanisme, courants marins, calottes polaires...) relève de la bévue de débutant.
Claude Allègre ne se limite pas à cette énormité. Il en livre une deuxième, impardonnable. Il prétend ainsi qu'il n'y a pas de tendance générale dans l'évolution du niveau de l'océan depuis 1993 et cite à cet égard les travaux d'Anny Cazenave, chercheur au Cnes, directrice adjointe du LEGOS, Laboratoire d'études en géophysique, et océanographie spatiales. Il publie même, dans son article, une carte des évolutions du niveau de l'océan tirée de ses travaux.
Il se trouve que, ce matin même, j'étais à la présentation des résultats et projets d'altimétrie spatiale au siège du Cnes, l'agence spatiale française. Et que madame Anny Cazenave y était elle aussi... et que ses déclarations sont un démenti formel des propos de Claude Allègre. "Il y a certes des endroits où le niveau de l'océan baisse et d'autres où il monte. Mais ces derniers étant beaucoup plus étendus et nombreux, le niveau moyen monte depuis 1993 de 3,3 millimètres par an, contre environ un millimètre par an au début du 20ème siècle."
Pour Anny Cazenave, "la moitié de cette élévation du niveau marin est provoquée par la dilatation thermique de l'océan en raison de son réchauffement. La fonte des glaciers continentaux, et la diminution de masse des calottes polaires expliquant le reste."
Commenter et relever les propos de Claude Allègre pourrait sembler inutile et répétitif. Comme de noter le soutien, prudent, qu'il donne à son ami Vincent Courtillot, prétextant que les critiques qui lui ont été faite concernant son article sur les relations entre le Soleil et le climat terrestre étaient le fait de médias employant contre lui "les mêmes termes infamants que contre Einstein en 1930". Un mensonge de plus puisqu'il a été démontré que les articles de Vincent Courtillot étaient tout simplement entachés d'erreurs factuelles et de calculs.
Mais l'ancien ministre pourrait peut-être le redevenir, puisqu'il y tient tant. Et donc jouer un rôle politique à rebours des préconisations des climatologues : maîtriser et diminuer les émissions de gaz à effet de serre afin d'atténuer tant que faire se peut les risques d'un changement climatique pour une part inéluctable... Et auxquels il faudra également s'adapter, avertissent-ils depuis vingt ans, l'un des mensonges récurrents de Claude Allègre, réitéré dans Le Point, étant que cet avertissement n'aurait pas été donné.
C'est pourquoi il faut souligner le courage d'un groupe de scientifiques, climatologues pour l'essentiel, qui ont publié, entre les deux tours des élections municipales, une lettre ouverte au Président et au premier ministre, s'inquiétant d'une telle nomination qui serait "un signal extrêmement négatif qui affaiblirait la crédibilité internationale de notre pays au moment où la France va prendre la présidence de l'Union Européenne."
Sylvestre Huet, journaliste à Libération
2 Comments:
Oui mais Allègre est fou !!
C'est clair ! le jour où Allègre arrêtera de dire des conneries....
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