"La liberté ne peut être que toute la liberté ; un morceau de liberté n'est pas la liberté." (Max Stirner)."
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29 janvier 2007

Entre Segoïstes et Sarkophages

Chronique de campagne - 1.

J’entends ici et là dans les conversations, y compris chez des militants supposés avisés, l’étrange proposition selon laquelle Nicolas Sarkozy risque d’arriver au pouvoir. Cette terrible éventualité justifierait, si j’ai bien compris, un vote « utile » (je trouve que l’on n’a pas suffisamment développé le concepts de « vote décoratif », mais passons).

Où donc les personnes qui tiennent pareil langage ont-elles passé ces dernières années ? Aux Galapagos ? Admettons que la fréquentation prolongée des tortues géantes ralentisse (par mimétisme) les échanges neuronaux (sans parler de la poste) et affranchissons-les sans plus attendre : Nicolas Sarkozy EST au pouvoir !

Excusez-moi, c’est un peu brutal, je m’en rends compte, mais de toute façon vous l’auriez appris un jour ou l’autre.

Reconnaissons, à la décharge de nos émigrés récents, que l’intéressé lui-même, Nicolas Sarkozy donc, semble tout faire pour entretenir l’aveuglement schizophrénique de ses contemporains. Certes, il utilise sa charge de ministre de l’Intérieur pour voyager à l’œil et fliquer les conseillers de sa principale rivale, mais il se garde bien de mettre en avant une vérité qui n’a pas atteint les Galapagos : Sarkozy est le seul candidat qui a déjà appliqué son programme !

Ça pourrait être un argument de vente, il pense que c’est un défaut qu’il vaut mieux dissimuler. En effet, même les plus entortués de mes lecteurs l’ont compris : quand on a appliqué son programme à l’avance, on n’a plus de programme ! C’est comme le quatre heures : si vous le dévorez à trois heure de l’après-midi, y’en a plus !

Vous me direz que les Segoïstes non plus, n’en ont pas, de programme. C’est bien observé, mais primo : Les Sarkophages préfèrent mettre l’accent sur les différences avec les Segoïstes, plutôt que sur les points communs ; deuxio : Eux, les Segoïstes, font comme si c’était exprès (qu’ils n’ont pas de programme ! vous êtes lourds, aujourd’hui, je trouve). Ils font comme si on dirait que c’est les électeurs qui vont fournir le programme. Vous y êtes ? Comme si un pâtissier, par exemple, disait : « Euh, alors, vous faites chacun vos gâteaux préférés et on verra qui a le droit de se fournir chez moi ». Voilàààà ! C’est a-b-s-u-r-d-e !

Il y aurait un programme fastoche à mettre en avant, du côté Segoïste. Quelque chose comme : « Je suis la meilleure candidate anti-Sarko, et je le prouve en promettant solennellement que j’abrogerai toutes les lois rédigées, voulues et soutenues par Sarkozy et ses petits camarades de droite » (pflaacht ! [bruit du crachat pour souligner que si j’mens j’vais en enfer]).

Question (attention, c’est plus difficile !) : Pourquoi Ségolène Royale ne promet-elle pas d’abroger la loi antiterroriste de 2005, les lois sur la prévention de la délinquance et contre l’immigration de 2006, les dispositions sur la vidéosurveillance et la biométrie, et tout ça, qui ferait un si bon programme, facile à comprendre (disons, même pour les amis des reptiles à carapace [si vous ne savez pas qu’une tortue est un reptile, je ne sais pas comment on a pu vous laisser accoster aux Galapagos...]) ?

Faites vos jeux, rien ne va plus. La réponse est la suivante : Parce que Ségolène Royale ne touchera pas à un cheveu, à une ligne, à un mot des textes de lois qui sont l’application du programme de Nicolas Sarkozy. D’ailleurs, pourquoi les Segoïstes reviendraient-ils sur la loi antiterroriste que les députés socialistes ont laissé voter par leur abstention ? Ils n’y toucheront pas. Ils en rajouteront même une couche, disons vers 2010 (cinq ans est un bon délai pour compliquer un texte délirant et aggraver un texte répressif).

Résumé : Aujourd’hui, nous avons appris que Nicolas Sarkozy est au pouvoir, qu’il a mangé tout son programme, et qu’il risque d’être fort dépourvu lorsque la bise sera venue ; que la tortue est un reptile à carapace et les Segoïstes des gens qui viennent voler la brioche des électeurs (« Qu’ils mangent des Wasa ! », aurait dit la candidate, selon des sources autorisées).

Peut-être y aura-t-il une prochaine leçon (mais ça n’est pas certain, voyez-vous).

Claude GUILLON