"La liberté ne peut être que toute la liberté ; un morceau de liberté n'est pas la liberté." (Max Stirner)."
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12 avril 2006

LA POURSUITE DU BONHEUR DANS UN MONDE COMPLEXE

Le Bhoutan se donne pour objectif le bonheur national.

Qu’est ce que le bonheur ? Aux Etats-Unis et dans la plupart des pays industrialisés bonheur rime souvent avec argent. Les économistes pensent qu’il est possible d’évaluer le progrès et le bien-être social à l’aide d’indicateurs chiffrés; l’indicateur habituellement utilisé est le produit national brut (PNB).

Mais le petit royaume himalayen du Bhoutan, s’interrogeant sur les problèmes qui affectent les pays riches qui ne se soucient que de croissance économique, essaya une autre formule. En 1972, son nouveau roi, Jigme Singye Wangchuck, décide d’une nouvelle priorité, celle du bonheur national brut (BNB).

Le roi déclara que Le Bouthan devait pourvoir à la prospérité de chacun tout en maintenant une gestion intelligente respectueuse des traditions et de l’environnement . Aujourd’hui âgé de 49 ans, le roi appliqua une politique en vue d’atteindre ces objectifs.
Depuis, l’exemple du Bhoutan nourrit de plus amples réflexions autour de la notion de bien être national.

Un nombre croissant d’économistes, de sociologues et d’administrateurs essaient de mettre au point des systèmes pour mesurer non seulement la circulation monétaire mais également l’accès aux soins, le temps consacré à la famille, la conservation des ressources naturelles et autres facteurs non économiques.

Le but est de revenir en partie à une définition élargie du mot « bonheur », plus conforme à celle que les signataires de la Déclaration d’indépendance avaient à l’esprit quand ils considérèrent que la « recherche du bonheur » était pour les américains un droit inaliénable au même titre que la liberté et le droit à la vie.

« La théorie du bonheur, telle qu’elle est pensée aux siècles des Lumières, était synonyme d’intérêt ou de bien-être publics, de satisfaction du peuple » dit John Ralston Saul, penseur politique canadien. Et, ajouta t’il, cela ne pourrait n’être rien de plus « que l’idée du 20iéme siècle selon laquelle vous devriez sourire parce que vous êtes à Disneyland.»

Mr Saul était l’une des 400 personnes venus de plus d’une dizaine de pays qui se sont récemment réunis pour réfléchir à de nouveaux systèmes pour définir et mesurer la prospérité.

Le congrès qui s’est tenu à l’université Saint Francis Xavier dans le nord de Nova Scotia (Canada) mélangea chaleur des idéaux et froideur des chiffres économiques. Parmi les participants figuraient une trentaine de représentants du Bhoutan venus présenter leur expérience nationale dans la construction d’une société satisfaite et heureuse.

Alors que le revenu d’une famille reste au Bhoutan l’un des plus bas du monde, l’espérance de vie a augmenté, entre 1984 et 1998, de 19 ans, atteignant aujourd’hui 66 ans. Le pays qui s’apprête à changer de constitution et à élire son gouvernement, exige qu’au moins 60% de son territoire reste boisé, accueille un nombre limité de touristes riches et exporte de l’énergie hydraulique en Inde.

« Nous devons réfléchir au bien être humain en termes plus larges » dit Lyonpo Jigmi Thinley, ministre de l’Intérieur du Bhoutan et ancien premier ministre. « le bien être matériel n’est qu’un composant du bonheur. Il ne vous assure pas d’être en harmonie avec votre environnement et d’être en paix avec les autres.»

Ce concept provient de la doctrine boudhiste. Il y a 10 ans, il aurait été rejeté par la plupart des économistes et des experts internationaux comme relevant d’un idéalisme naïf.

Lorsqu’un pays ou une famille commencent à sortir de la pauvreté, richesse et bien-être vont de pair. Mais différentes études indiquent qu’au-delà d’un revenu par tête de 10000 ou 20000 dollars, le bonheur ne suit plus.

Des études ont montré que certains pays étaient plus heureux qu’ils ne devaient l’être. Dans l’enquête « Valeurs du monde » (« World Values Survey »), un projet en cours depuis 1995, Ronald Inglehart, sociologue à l’université de Michigan, a constaté que les habitants des pays d’Amérique Latine, par exemple, jouissaient d’un bonheur personnel bien plus grand que celui suggéré par le statut économique de ces pays.

Mais on a pressé les chercheurs de mettre au point des systèmes de mesure capables d’intégrer ce concept élargi du bonheur.

En mars, la Grande Bretagne a annoncé qu’elle allait appliquer un « indicateur de bien-être » qui prendrait en compte non seulement le revenu mais aussi la santé mentale, la civilité, l’accès aux jardins publics et le taux de criminalité.
En juin, les officiels britanniques publièrent un premier compte-rendu allant dans ce sens sous la forme d’un récapitulatif « d’indicateurs de développement durable » rassemblant des critères sociaux et environnementaux tels que criminalité, circulation (des biens et des personnes, relations entre les gens ?), degré de pollution et niveau de recyclage.

« Ce que nous faisons dans tel domaine de notre vie peut avoir un impact sur beaucoup d’autres, ainsi réflexions et actions conjointes entre gouvernement central et local sont cruciales » a déclaré Elliot Morley, ministre de l’environnement britannique.

Quelques experts qui assistaient à la conférence qui dura une semaine se sont demandé si un bien être national pouvait être vraiment défini. Le simple fait d’essayer de quantifier le bonheur pourrait le menacer dit Frank Bracho, économiste vénézuélien et ancien ambassadeur en Inde, qui ajoute : « Ce qui est le plus important dans la vie, comme l’amour, ne peut pas être mesuré. »

Les représentants du Bhoutan présents au congrès ont décrit diverses initiatives cherchant à créer les conditions les plus favorables pour améliorer la qualité de vie de la manière la plus équitable.

L’effort du Bhoutan vise en partie, à éviter que la notion de richesse ne prévale sur celle de la qualité de la vie.

« Le but de la vie ne devrait pas être limité à la production et à la consommation, plus de production pour plus de consommation » a déclaré Thakur S Powdyel, officiel du ministère de l’Education du Bhoutan, « il n’existe pas de corrélation absolue entre richesse et bonheur. »