"La liberté ne peut être que toute la liberté ; un morceau de liberté n'est pas la liberté." (Max Stirner)."
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15 juillet 2007

Oil, smoke and mirrors, video édifiante sur la fin du pétrole

09 juillet 2007

Créationnisme : le Conseil de l'Europe veut-il enterrer Darwin ?


Par Jean Etienne, Futura-Sciences

Guy Lengagne, ancien député français mais toujours membre du Conseil de l'Europe, enrage. Il affirme que la docte assemblée, qui selon Robert Schuman devrait être un "laboratoire d'idées", évolue mal, frappée d'une maladie invalidante qui frappe de plus en plus nos sociétés : le retour de l'irrationnel. Et pour cause, car son rapport, qui dénonce très intelligemment et avec courage les "dangers du créationnisme dans l'enseignement" a été refusé le 26 juin dernier (par 64 voix contre 46), et renvoyé en commission, c'est-à-dire en pratique dans les oubliettes.


Guy Lengagne

"Nous assistons aux prémices d’un retour au Moyen Age", affirme Guy Lengagne, qui se dit à la fois stupéfait, effrayé et choqué, de même que la commission qui a longuement travaillé sur ce rapport et qui n'hésite pas à parler de censure, donc d'une violation des libertés d’expression (et même de pensée), le plus primordial des droits de l’homme. Ce qui, dans une Assemblée qui multiplie les leçons sur la liberté et sur les périls risquant de menacer la santé, physique comme mentale, de nos sociétés, pose un sérieux problème.

Guy Lengagne ne voit cependant pas dans ce refus une volonté de l'Assemblée elle-même, mais plutôt le résultat de manœuvres concertées de ceux qui veulent par tous les moyens, autant religieux que sectaires, lutter contre la théorie scientifique de l'évolutionnisme et imposer les idées créationnistes qui relèvent de la croyance.


"The Origin of Species", édition originale de Charles Darwin

Le créationnisme

Le courant créationniste est essentiellement né aux Etats-Unis il y a une vingtaine d'années (du moins dans sa version moderne) lorsque des groupes d'inspiration religieuse ont entrepris de balayer l'argumentation scientifique issue des découvertes de Darwin pour expliquer l'histoire à la lumière exclusive des textes religieux et de la Genèse. Les plus durs d'entre eux affirment que le monde a été créé en six jours, et pas une seconde de plus ou de moins, tandis que d'autres acceptent un processus à plus long terme, mais toujours conduit par un "créateur". C'est l'intelligent design, dont les représentants se rencontrent aussi bien dans les milieux chrétiens que musulmans.

Mais aujourd'hui, ces thèses sans la moindre base scientifique se répandent progressivement en Europe, quelquefois en suivant des canaux pseudo-religieux.

C'est ainsi qu'en Pologne, le ministre de l'éducation Miroslaw Orzechowski (extrême-droite), qui avait déjà décidé de mettre à l'index des programmes scolaires certains auteurs comme Goethe, Kafka, Dostoïevski entre autres, a condamné publiquement le darwinisme à l'automne dernier, comparant la théorie scientifique à la trame d'un mauvais film de science-fiction.

En Italie, la ministre de l'éducation Letizia Moratti, sous le gouvernement Berlusconi, a déposé en 2004 une proposition de décret destiné à abolir l'enseignement de l'évolutionnisme dans le primaire et le secondaire. Mais grâce à une véritable mobilisation de scientifiques, c'est la proposition de décret qui a été finalement abolie… Et la ministre a remis sa démission.

Au Royaume-Uni, après l'approbation par Tony Blair en 2006 de l'enseignement créationniste dans certains établissements de la High Scholl et trois jours de rassemblements d'adeptes venus du monde entier, le plus important syndicat de professeurs du pays, le NUT (National Union of Teachers) a demandé que soit mise en place une barrière légale afin d'entraver la progression de ce que Guy Lengagne, mais il est loin d'être le seul, qualifie de "cancer mortel pour la pensée scientifique".

En Allemagne, des professeurs d'un lycée privé reconnu par l'Etat ont décidé d'enseigner que les différents types d'animaux sont l'œuvre directe d'un "créateur". Le tollé et les protestations des parents devant cette orientation qui se voulait antiscientifique n'ont réussi qu'à obtenir… l'approbation du gouvernement, sous le prétexte qu'aucune infraction aux programmes scolaires n'avait été constatée.

Atlas de la Création

Début 2007, un luxueux ouvrage apparemment scientifique, l'Atlas de la Création, était envoyé par la poste aux recteurs d'universités de France ou d'écoles supérieures, dont la plupart s'empressaient d'ailleurs de le mettre à la disposition des étudiants. On les comprend, car l'aspect de l'œuvre, dont le contenu et l'illustration évoquaient un contenu de très haut niveau, n'appelait aucune méfiance au premier abord. Mais une lecture plus attentive dévoilait les intentions de l'éditeur, un Turc nommé Harun Yahya, qui étaient de détruire la théorie évolutionniste de Darwin par de multiples exemples, notamment en démontrant, photos en couleurs à l'appui, que nos espèces contemporaines se rencontraient déjà abondamment dans les fossiles, et donc que l'évolution telle que décrite par les (vrais) chercheurs était fausse.


L'Atlas de la Création, recueil de pseudo-sciences.

Las, un examen plus approfondi dévoilait de nombreux trucages. Certaines photos de fossiles ainsi mises en corrélation n'avaient aucun rapport entre elles, quelquefois même appartenaient à des espèces différentes, dont certains caractères étaient habilement mis en valeur au détriment d'autres.

Très rapidement, le livre a été retiré des rayonnages (mais quelquefois conservés à l'intention des étudiants effectuant des recherches sur les sectes religieuses, selon nos sources), tandis que le ministre de l'Education Nationale Gilles de Robien adressait un avertissement déclarant que "ce livre est dangereux et ne correspond pas aux programmes scolaires". Quelques mois plus tard, le même ouvrage débarquait en Belgique et en Suisse, où sa diffusion était aussitôt interdite dans les établissements scolaires.

La Science recule-t-elle ?

Alors que le Président du Conseil de l'Europe, le sénateur belge Luc Van Den Brande connu pour son catholicisme ultra, déclarait ironiquement "Le Conseil de l'Europe n'est pas une Académie scientifique mais une organisation politique", Guy Lengagne ne tarissait pas de mots extrêmement durs envers cette décision qu'il assimile à une véritable censure et à une victoire décisive pour les créationnistes et néocréationnistes (l'"intelligent" design). "Nous avons eu affaire à de violentes oppositions de la part d'un parlementaire russe, soutenu par des Hongrois ; il assimilait l'évolutionnisme au stalinisme, au nazisme et au terrorisme !", assurait-t-il avec insistance en quittant la réunion dans le brouhaha général, clamant "J'ai honte de ce Conseil de l'Europe où j'ai passé dix ans de ma vie !".

Lors d'une conférence de presse organisée le même jour à la hâte, Guy Lengagne déclarait "La cible première des créationnistes contemporains, essentiellement d'obédience chrétienne ou musulmane, est l'enseignement. […/…] Nous sommes en présence d'une montée en puissance de modes de pensée qui, pour mieux imposer certains dogmes religieux, s'attaquent au coeur même des connaissances scientifiques", poursuit-il. Et de s'inquiéter de la montée en puissance des fondamentalistes religieux au travers du mouvement créationniste, qui selon le rapport original n'a rien à voir avec l'enseignement de base du fait religieux tel qu'il est pratiqué depuis des siècles, mais semble plutôt conçu pour fédérer entre elles les énergies d'extrémistes se prétendant d'inspiration divine, aussi bien catholiques qu'islamistes.

Le rapport devrait être à nouveau présenté en octobre, cette fois par la députée luxembourgeoise Anne Brasseur, qui ne manquera pas de se faire l'écho de l'inquiétude de son prédécesseur Guy Lengagne. Espérons que le Conseil de l'Europe sera alors sorti de sa torpeur.

Quelques sources (liste non exhaustive) :

Charles Darwin.

Futura sciences

02 juillet 2007

Quand les États abdiquent face aux multinationales

Raoul Marc Jennar & Laurence Kalafatides

Engendrée sous la pression des milieux d’affaires, assemblée dans les couloirs de l’Organisation mondiale du commerce, une formidable machine à détruire les services publics mondiaux entre en action : l’Accord général sur le commerce des services, plus connu sous son sigle AGCS. Son objectif : libéraliser tous les services en supprimant un à un les obstacles au commerce. L’AGCS autorisera par exemple une multinationale à poursuivre pour concurrence déloyale une commune qui subventionne sa cantine scolaire.

Chercheurs indépendants, Raoul Marc Jennar et Laurence Kalafatides expliquent les origines et les conséquences de cet accord. Sa mise en œuvre faisant l’objet de négociations successives, l’AGCS menace à terme l’enseignement, la santé, la culture et l’accès à l’eau potable. Comprendre le fonctionnement de cette canonnière libérale conçue hors de tout contrôle démocratique, c’est se donner les moyens de l’enrayer. Le projet de réforme des universités voulu par Nicolas Sarkozy n’est pas le fruit du hasard. La future loi découle directement des décisions de la Commission européenne et anticipe le résultat des négociations de l’AGCS.
Extraits :

« Pascal L. ou la vraie vie libérale »
(Fiction ?)

« Étudiant, ton avenir t’appartient ! Investit dans ton éducation grâce à WLC et Crédits Sans Frontières ! » Tous les matins, en arrivant au 13e étage de la tour WLC, Pascal L. salue mentalement le jeune homme au premier plan de l’affiche 4x3 qui semble l’interpeller. Pascal L. dirige le département Communication de la branche européenne de World Learning Company (WLC), dont le siège social est à Houston, aux USA. En quelques années, la firme texane s’est hissée au troisième rang d’un marché devenu hyper-concurrentiel. Le chiffre d’affaires annuel de l’éducation représente plus de 5 % du PIB mondiali et World Learning Company entend bien s’y tailler la part du lion. Au moment de la déréglementation, WLC a saisi l’opportunité sans tergiverser. Elle détient à présent des parts de marché dans pratiquement toutes les branches de l’industrie de l’éducation. WL Teacher dispense formation initialeii et continue aux enseignants recrutés par les universités et les écoles privéesiii de WLC. Lesquelles n’acceptent que des étudiants ayant réussi les tests préparatoires chez WL Studyiv. Enfin, conception des programmes scolaires, élaboration des méthodes d’enseignement, contrôle des performances et gestion des établissementsv sont regroupés au sein de WL Services. Libérer la concurrence exigeait de libéraliser les droits d’inscription mais aussi d’encadrer strictement la réglementation internationale des subventions à l’éducation publique. Un nouvel horizon s’ouvre pour les affaires. En partenariat avec Crédit Sans Frontières, WLC propose aux étudiants des prêts plafonnés à 50.000 €. Mais le taux de chômage élevé persistant ces diplômés impacte la croissance du secteur. Pour relancer la consommation de prêts, Pascal s’apprête à inaugurer « sa » campagne de communication : « investissez dans votre avenir ». L’idée lui en est venue en écoutant la radio. Sandy Godfrey, la directrice générale de l’université australienne Deakin, expliquait à ses futurs clients - des parents et des élèves : « Je sais que beaucoup d’universitaires estiment que l’éducation devrait être gratuite et universelle, mais la réalité est qu’elle a une valeur marchande. Investir financièrement dans son éducation, c’est se garantir des revenus et assurer son avenir ».

En attendant une amélioration de la conjoncture, WLC étudie une possible diversification dans « l’éducation indigène ». La Banque Mondiale lance un appel d’offres sur l’Afrique, autant en profiter ! le raisonnement est simple : dans les pays gangrenés une pauvreté endémique, seule une meilleure productivité du capital humain peut enclencher le cercle vertueux de la création de valeur. « L’usage productif de la main-d’œuvre étant la principale ressource du pauvre, l’éducation, surtout au niveau du primaire contribue à augmenter la productivité du travail des pauvres », expliquait un expert de la Banque Mondiale lors du congrès des industriels de l’éducation. Pascal fut d’autant plus sensible à l’argument que le créneau porteur du développement durable lui permettait d’implémenter une campagne de communication basée sur la dimension éthique et citoyenne de WLC [...]

L’Accord général sur le commerce des services est une machine à libéraliser. Il menace tous ceux qui aspirent à une autorité publique garante de l’exercice des droits fondamentaux et de la primauté de l’intérêt général. À la différence de beaucoup de traités internationaux, l’AGCS ne constitue pas un aboutissement, mais un point de départ [... ] Ce caractère ininterrompu du processus de libéralisation enlève toute garantie de voir un secteur du domaine des services lui échapper à terme. L’OMC a répertorié plus de 160 activités de service que l’AGCS doit permettre de libéraliser dans ses 150 pays membres. Ce qui n’aura pas été libéralisé aujourd’hui pourra l’être demain dans le cadre du même traité. [... ] L’AGCS n’offre dès lors aucune garantie de protection de secteurs où l’égalité des droits ne souffre aucune remise en question, comme par exemple l’éducation et la santé.

L’enseignement menacé

Les partisans de l’AGCS sont tellement convaincus des vertus de leur accord qu’ils tentent de rassurer la population en certifiant qu’il n’englobera ni l’enseignement ni la santé. C’est inexact. En vue des négociations, les services de l’OMC ont présenté un document qui segmente le « marché de l’enseignement » en cinq secteurs :
- 1.Secteur primaire, qui comporte l’enseignement maternel et primaire ;
- 2. Secteur secondaire : l’enseignement secondaire du premier et du second cycle, l’enseignement technique, l’enseignement professionnel et l’enseignement à destination des handicapés ;
- 3. Secteur supérieur : l’enseignement technique et professionnel du troisième cycle, l’enseignement universitaire
- 4. Secteur d’éducation des adultes : cours du jour ou du soir destinés aux adultes, éducation tout au long de la vie, « open university », cours d’alphabétisation, cours par correspondance, cours donnés par la radio ou la télévision ;
- 5. secteur des autres services d’enseignement qui ne figurent pas dans les quatre premiers, y compris les cours particuliers à domicile.
L’enseignement n’est donc pas une activité de service exclue a priori des négociations sur la mise en œuvre de l’AGCS. Mais la Commission européenne et les gouvernements de l’Union se montrent rassurants : on ne touchera pas à l’enseignement, disent-ils, puisque les services fournis par les pouvoirs publics ne sont pas concernés. Rien n’est plus mensonger. L’AGCS, on l’a vu, s’applique à tous pays où le service de l’enseignement connaît une « concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services », les établissements privés par exemple. En outre, la Cour de Justice des Communautés européennes a considéré que les services d’enseignement ne constituent pas une activité pratiquée sous l’exercice de l’autorité officielle.

La signature de l’AGCS en 1994 offre aux gouvernements la première occasion de prendre des engagements de libéralisation, mais également d’exempter certains services. D’un côté, la Commission européenne s’engage à ne pas imposer de nouvelles restrictions à l’entrée de fournisseurs de services privés sur le marché de l’éducation et à la mobilité du personnel dans les quatre premiers secteurs (primaire, secondaire, supérieur et d’éducation des adultes). Simultanément, la Commission formule des exemptions concernant ces quatre secteurs de l’éducation publique. Les voici protégés pour un temps. Mais très vite, une révision des engagements et des exemptions se profile. En juin 2000, le représentant de l’Union européenne à l’OMC estime que « l’éducation et la santé sont mûres pour la libéralisation. » Puis, en janvier 2003, la Commissaire européenne en charge de l’éducation, Mme Reding, réaffirme l’urgence de rendre les universités européennes « compétitives sur le marché mondial de l’enseignement supérieur. »

Les digues érigées en 1994 céderont-elles à la déferlante ? L’éducation publique survivra-t-elle aux négociations successives sur la mise en œuvre de l’AGCS ? Interrogation d’autant plus brûlante que la Commission européenne s’emploie à détruire les systèmes publics mis en place au 20e siècle pour permettre aux citoyens d’exercer leurs droits à l’éducation, à la santé, au travail, au logement, etc.

P.S.

Editions :Rraisons d’agir
ISBN : 978-2-912107-35-0

6 euros.

Oulala.net