"La liberté ne peut être que toute la liberté ; un morceau de liberté n'est pas la liberté." (Max Stirner)."
Google
 

24 avril 2006

La mystification autour des "cassettes de Ben Laden

Aujourd'hui sort du chapeau du grand magicien à la banniere étoilée qui gouverne cette planète une nouvelle "cassette" attribuée a Ben Laden

Allons nous croire encore longtemps à ces fameuses cassettes qui sortent toujours à point nommé pour l'administration étasunienne?
Connaissant la simplicité de fabrication d'une vraie-fausse cassette avec les moyens techniques actuels, la propention à la manipulation d'opinion de la CIA et de ses nombreuses émanations spécialisées dans cette activité, comment peut on ne pas penser que ces cassettes, pourquoi pas des parchemins d'ailleurs, à l'heure de la memoire flash et de la clé usb( que ce pauvre bédouin réfugié dans les montagnes, multimillionnaire et bardé soit disant d'equipements de communication ne doit pas connaitre), sont "made in usa", par ailleurs toujours authentifiées par la CIA elle même et personne d'autre.

Lire ci dessous un texte du réseau Voltaire qui souligne l'importance de l'impact de ces cassettes sur la politique etasunienne voire mondiale et sur l'absence de critique de l'authenticité même de ces enregistrements

Ben Laden est revenu, pas l’esprit critique
Décryptage

Le 19 janvier 2006, la chaîne d’information continue Al Jazeera diffusait un enregistrement d’un discours attribué à Oussama Ben Laden. C’était la première fois depuis 13 mois qu’il s’exprimait et les analystes et experts médiatiques ont bien vite été légion à commenter et à interpréter ses déclarations, sans jamais remettre en cause leur authenticité.
Le leadership d’Oussama Ben Laden, terroriste fondamentaliste musulman, sur Al Qaïda, organisation tentaculaire responsable des attentats du 11 septembre 2001, d’opérations en Europe et commanditaire des attaques contre les troupes états-uniennes en Irak est un dogme qui ne peut être remis en cause dans les médias dominants. Et comme tout dogme, il se fonde sur la foi, pas sur les faits. Pourtant, si on examine les faits, les éléments démentant l’existence d’Al Qaïda ou son antagonisme réel avec Washington se multiplient. De plus en plus d’experts et d’analystes contestent la version officielle des attentats du 11 septembre ; des militaires de hauts rangs comme l’ex-chef d’état-major russe, le général Ivashov, réfute l’existence du « terrorisme international » ; les résistants irakiens nient la présence d’Al Qaïda en Irak ou assurent qu’il s’agit d'agents provocateurs de l'occupantd. Mais ces éléments n’entrent pas en ligne de compte de l’analyse médiatique des commentaires de l’enregistrement d’Oussama Ben Laden.

Sur son site internet, Al Jazeera reprend les éléments « marquants » de l’intervention de « l’ennemi public numéro un » des États-Unis. Les extraits reproduits laissent penser que l’enregistrement ressemble plus à un pastiche des critiques des adversaires de l’administration Bush à l’encontre de la politique de la Maison-Blanche que le texte d’un intégriste wahhabite. La voix sur l’enregistrement menace également les États-Unis de nouveaux attentats de grande ampleur mais, de façon surprenante, propose une « trêve » à Washington afin de reconstruire l’Irak et l’Afghanistan.

Ce message arrive à point nommé pour l’administration Bush. En effet, les nouvelles menaces d’attentats interviennent moins de deux semaines avant le vote du Congrès sur la reconduction du Patriot Act, texte liberticide adopté au prétexte de défendre le sol états-unien contre de nouveaux attentats et peu de temps avant que George W. Bush ait à prononcer son discours sur l’état de l’union (sur lequel nous reviendrons dans une prochaine édition).
Quoi qu’il en soit, les milieux républicains n’ont pas tardé à capitaliser sur cette cassette pour exiger l’adoption de nouvelles mesures sécuritaires, dont le lien avec « Al Qaïda » semble parfois tiré par les cheveux. Par exemple, la consultante et lobbyiste républicaine, Salena Zito, s’appuie en partie sur cette cassette dans The Post Chronicle pour affirmer qu’Al Qaïda est une menace importante, qu’il faut surveiller les frontières et pour réclamer de nouvelles mesures pour interdire la frontière aux… immigrants latino-américains, le nouveau cheval de bataille de SamuelHuntington et de ses partisans.

Fermant les yeux sur ce suspect opportunisme, les experts médiatiques et les éditorialistes préfèrent se concentrer sur la question de la trêve évoquée dans l’enregistrement diffusé par Al Jazeera. On assiste ainsi à de grands débats sur l’opportunité d’accepter ou non cette « main tendue » et sur ce que cette proposition laisse envisager de la situation actuelle d’Al Qaïda. Ce faisant, une grande question est évacuée : pour qu’il y ait une trêve ou un cessez-le-feu, il faut qu’il y ait un affrontement, or, où se situe l’affrontement entre Washington et Al Qaïda ? Dans quelle partie du globe voit-on un combat entre des soldats d’Al Qaïda et des militaires états-uniens ? En outre, rappelons que si Al Qaïda a d’abord été présentée comme une structure pyramidale, on en a progressivement fait une simple idéologie ou « une nébuleuse », ce qui dispensait d’apporter des éléments prouvant l’existence d’une organisation précise. Dans ce cas, comment peut-on faire une trêve avec une idéologie ? Doit-on déduire de cette offre qu’après avoir été prié de croire à l’existence d’une super organisation terroriste, puis de ne plus y croire, il faut y croire à nouveau ?
Les auteurs de tribunes évitent consciencieusement de répondre à ces questions. Beaucoup s’abstiennent de désigner les champs de bataille ou la lutte entre Al Qaïda et les États-Unis feraient rage ou désignent comme ligne de front de la lutte des théâtres d’opération sans autres liens entre eux que la présence états-unienne.
La seule chose qui compte est d’interprétée la proposition de « trêve », mais sans sortir du dogme.

Le Christian Science Monitor publie la seule tribune que nous ayons relevée proposant d’accepter la proposition de trêve. Son auteur, l’universitaire Douglas A. Borer, affirme qu’historiquement, de nombreux États ont dû négocier avec des terroristes et que les États-Unis gagneraient à obtenir une trêve pour repenser leur stratégie en direction des musulmans et priver Al Qaïda de recrues. L’auteur est isolé sur cette position, mais il partage les représentations des autres analystes sur Al Qaïda, c’est-à-dire qu’il est bien en peine de définir ce mouvement et ses centres d’action. Ainsi, quand, pour justifier son propos, il cherche à donner des exemples de négociations entre des États et des terroristes, il mélange allègrement des négociations entre États, entre États et mouvements séparatistes ou encore des processus de décolonisation. Bref, il mélange un fatras d’éléments disparates qui illustre son incapacité à donner une définition du « terrorisme », et plus encore de la nature d’Al Qaïda.

Les autres analystes refusent d’imaginer la signature d’une trêve avec Al Qaïda mais sont en désaccord sur ce que cette proposition sous-entend.
Pour certains, il s’agit avant tout d’un message en direction des populations musulmanes.
Les deux anciens responsables démocrates du Conseil de sécurité national états-unien, Daniel Benjamin et Steven Simon présentent cette cassette dans le New York Times comme une fanfaronnade visant à regonfler le moral des troupes « jihadistes ». Ils affirment que Ben Laden souhaite se présenter comme l’unique responsable des malheurs des États-Unis dans le monde et ainsi assurer sa promotion dans le monde musulman. Par conséquent, les deux auteurs affirment qu’il est urgent de repenser le combat idéologique contre la promotion du jihadisme.
L’éternel alibi arabe des milieux néo-conservateurs, le président de la World Lebanese Organization, Walid Phares, voit, lui aussi, dans la cassette un moyen de regonfler le moral des troupes après une année difficiles pour les « jihadistes ». Dans le Washington Times, l’auteur affirme que les défaites d’Al Qaïda sont les élections en Afghanistan et en Irak et… la « révolution du Cèdre ». Doit-on conclure avec lui qu’Al Qaïda est lié au régime syrien après avoir été accusé d’être associé aux Talibans, puis à Saddam Hussein ? Cependant, contrairement à MM. Benjamin et Simon, l’expert de Benador Associates, tresse les louanges de la politique de séductions de la population arabo-musulmane et affirme qu’aujourd’hui, elle porte ses fruits.

Certains analystes s’appuient sur l’enregistrement pour vanter les mérites de la « guerre au terrorisme »… et dénoncer ses détracteurs.
Le chercheur de la Hoover Institution, Victor Davis Hanson, estime dans le Chicago Tribune que cette cassette et cette proposition de trêve sont un aveu de faiblesse de Ben Laden. Il en veut pour preuve une succession d’évènements sans rapports entre eux : le nombre de « terroristes » tués en Irak, la « révolution du Cèdre » au Liban, les bombardements sur les zones rebelles à la frontière pakistano-afghane, les pressions sur la Syrie et l’Iran et le récent discours sur la dissuasion nucléaire de Jacques Chirac. M. Hanson note également que désormais Ben Laden aurait des accents proches du discours des adversaires états-uniens de l’administration Bush. Il en déduit que l’organisation n’aurait plus comme seul espoir que de pousser les États-Unis à abandonner la lutte en flattant les mouvements anti-guerre. Cet argument est la réactualisation de la vieille accusation conservatrice concernant la défaite états-unienne au Vietnam : les États-Unis étaient en train de gagner la guerre, mais ils n’ont pu aller jusqu’au bout à cause de l’action démoralisante et défaitiste des mouvements pacifistes. L’arme d’Al Qaïda aujourd’hui, serait donc à nouveau ce discours qui a fait perdre "le Vietnam".
L’éditorialiste multicarte et expert (comme MM. Hanson et Phares) de Benador Associates, Amir Taheri, développe dans Gulf News une analyse assez comparable. Ben Laden espère que le discours anti-guerre aux États-Unis va l’emporter et qu’il pourra alors prétendre que c’est une victoire qui lui revient. L’auteur estime aussi que cette cassette illustre une division à l’intérieur d’Al Qaïda entre les partisans d’une stratégie d’invasion des pays musulmans, comme Zawahiri, et Ben Laden qui souhaite organiser de nouveaux attentats aux États-Unis… si du moins c’est bien Ben Laden qui a diffusé cette cassette, l’auteur n’excluant pas que ce dernier soit mort et que certains diffusent des messages en son nom.
Dans La Gazette du Maroc, le fondateur de l’Observatoire du monde arabe, le Phalangiste libanais, Antoine Basbous, voit lui aussi un aveu de faiblesse interne de Ben Laden dans ses déclarations et spécule même sur son état de santé. Il affirme tout connaître des débats internes d’Al Qaïda. Ben Laden serait en train de perdre de son influence dans on propre camps face à Zarkaoui et aurait du mal à garder le contrôle de l’organisation même si, dans le même temps, il n’a plus besoin de contrôler une idéologie qu’il a largement développée. Quoi qu’il en soit, en se montrant menaçant vis-à-vis des États-Unis, Ben Laden démontrerait aux opposants de George W. Bush qu’ils ont tort de minimiser la menace.

Comme on le voit, les milieux soutenant l’action de l’administration Bush et la « guerre au terrorisme » ont quasiment monopolisé les analyses sur le sujet, en profitant bien souvent pour s’en prendre à leurs adversaires politiques. Comme souvent, l’ancien administrateur de l’U.S. Institute of Peace et président du Middle East Forum, Daniel Pipes, va plus loin que les autres analystes et s’appuie sur l’enregistrement pour accuser, une fois de plus, la gauche états-unienne de collusion avec l’islamisme.
Dans le New York Sun, Frontpage Magazine et le Jerusalem Post, il s’appuie sur la référence d’Oussama Ben Laden au livre L’État voyou pour dénonce les positions de son auteur, William Blum, et tenter de décrédibiliser son travail sur les crimes de l’impérialisme états-unien. Pipes assure que cela fait de Blum, et de tous ceux qui ont apprécié son travail, un allié objectif du « jihadisme ». L’auteur réadapte au goût du jour et à l’actualité récente une thèse habituelle qui veut que chaque mouvement pacifiste soit manipulé par l’ennemi par naïveté ou en vertu d’un pacte secret. Cet axe de propagande n’est pas propre aux États-Unis et a été repris en France au travers du discours sur la « division de la gauche ».

Malheureusement, cette propagande trouve des alliés involontaires chez ceux qui, par aversion pour les crimes commis par l’administration Bush, finissent par trouver sympathique Oussama Ben Laden en raison de sa pseudo-opposition à Washington.
Ainsi dans le journal qatari Al-sharq, le journaliste libanais Yasser Al Zaratra se réjouit des propos tenus sur cette cassette et regrette juste que Ben Laden n’ait pas proposé la trêve au nom de toute la nation musulmane. Se faisant, l’auteur présente un agent de la CIA comme le leader de la lutte anti-impérialiste arabo-musulmane. Il assure que les États-Unis ne peuvent pas vaincre Al Qaïda qui est une structure trop souple pour être détruite même si on tue son dirigeant.

Pourtant, certains analystes voient les failles dans les demandes de Ben Laden et la vulgate concernant Al Qaïda, mais ils refusent de réfuter l’existence de l’hydre.
Ainsi le rédacteur en chef du journal Asharqalawsat, Abdelrahmen Al Rachid, affirme que Ben Laden demande une trêve parce qu’il ne contrôle plus rien et il constate que, de toute évidence, Ben Laden ne contrôle pas ce qui se passe en Irak. L’éditorialiste comprend bien qu’il n’y a pas de liens directs entre les actions attribuées à Al Qaïda dans ce pays et Oussama Ben Laden, mais il se refuse à faire un pas supplémentaire dans cette logique et à se poser la question de l’existence même d’Al Qaïda.
Sur Selves and Others, le romancier et dramaturge William Schroder, estime qu’une trêve n’a pas de sens puisque les États-Unis ne veulent pas la paix, mais le contrôle des dernières ressources énergétiques. Il assure que la guerre au terrorisme n’est que le moyen et la justification pour s’imposer au Proche-Orient face à la Russie et la Chine. Il est donc impossible que les États-Unis acceptent une trêve avec Ben Laden. Cependant l’auteur refuse d’imaginer que Ben Laden n’a pas forcément offert sans raison un prétexte au contrôle militaire du « Grand Moyen-Orient » par les États-Unis.

Pris au piège du mythe du 11 septembre 2001, même les analystes critiques refusent d’examiner l’accumulation des incohérences autour du dogme Al Qaïda.

Réseau Voltaire

22 avril 2006

Les utopies technologiques

Un dossier passionnant sur les nouvelles technologies de production d'énergie,le vrai bilan énergétique de chacune d'elles.Le sommaire du volumineux et excellemment documenté dossier(pdf 60p.) est reproduit ci dessous.A lire absolument!

Sommaire

Editorial
Appel à la raison pour une solidarité planétaire

De quoi s’agit-il?

La civilisation hydrogène: mythe ou réalité ?
Benjamin Dessus, Global Chance

Les utopies généticiennes…
Jacques Testart, INSERM

Com’, ou information scientifique ? Le cas d’ITER.
Jacques Treiner, Université Pierre et Marie Curie

Problèmes d’effet de serre, réponses des sciences de la terre.
Jacques Varet, Association 4D

Nucléaire de quatrième génération :
l’utopie comme stratégie de survie.
Yves Marignac, Wise Paris

Les limites de l’utopie photovoltaïque décentralisée pour les PED.
Bernard Devin et Edgar Blaustein, Global Chance

Un triporteur à hydrogène pour sauver la planète
du réchauffement ?
Michel Colombier, Global Chance

Pourquoi un tel engouement

D'une confiance aveugle en la technologie
à la nécessité d'une science en conscience.
Christine Zelem, Certop

Scientifiques, journalistes, citoyens :
un jeu de rôle aux règles confuses.
Dominique Chouchan, journaliste scientifique

Traquer l’Utopie.
Bernard Devin
Comment réagir?

Débat entre Marie Blandin (Sénatrice), Jacques Testart (chercheur à
l’INSERM, membre de Science citoyenne), Guillaume Duval (journaliste
à Alternatives économiques), Yves Marignac (Wise Paris). Animation
Benjamin Dessus (Global Chance).
Ce numéro des Cahiers de Global Chance est consultable en version pdf sur le siteagora21.org

lien direct sur le dossier

19 avril 2006

Les plans pour l’ Iran

par Seymour M.Hersh - The New Yorker.

13 avril 2006





Traduction « avec un léger dégoût » par CSP.
Diffusion autorisée et même encouragée
Merci de mentionner les source.


Document garanti contre tout virus sauf, peut-être, celui de la révolte.
Document non garanti contre les fautes de frappe, de français ou de goût.


Le Président George W. Bush ira-t-il jusqu’à la guerre pour empêcher l’Iran d’avoir la bombe ?


The New Yorker, 17 avril 2006 - (Publié le 8 avril 2006).


L’administration Bush, tout en soutenant la voie diplomatique pour empêcher l’Iran de posséder l’arme nucléaire, a renforcé les opérations clandestines à l’intérieur de l’Iran et a intensifié les préparatifs pour une éventuelle attaque massive aérienne. Des fonctionnaires des services de renseignement de l’armée, en poste ou à la retraite, ont dit que les groupes de planification de l’armée de l’air sont en train de dresser des listes de cibles et que des équipes de troupes de combat américains ont été clandestinement infiltrés en Iran afin de collecter des données sur les cibles et d’établir des contacts avec les groupes ethniques minoritaires anti-gouvernementaux. Ces fonctionnaires disent que le président Bush est déterminé à empêcher le régime Iranien de lancer un programme d’enrichissement de l’uranium prévu dans les mois qui viennent.


Les services de renseignement américains et européens, ainsi que l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) sont d’accord pour dire que l’Iran est décidé à se doter des capacités de fabriquer des armes nucléaires. Mais les opinions différent largement sur la durée que prendrait un tel programme et sur la meilleure manière de l’empêcher, par des sanctions diplomatiques ou une action militaire. L’Iran persiste à dire que les recherches n’ont pas d’objectif militaire, qu’il respectera le Traité de Non-Prolifération Nucléaire, et qu’il ne sera ni arrêté ni retardé.

Il y a de plus en plus de personnes au sein de l’armée américaine, et de la communauté internationale, qui pensent que l’objectif réel de Bush dans cette confrontation nucléaire est celui de provoquer un changement de régime. Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a questionné la réalité de l’Holocauste et a déclaré qu’Israël devait être « rayé de la carte ». Selon un ancien haut fonctionnaire des services de renseignement, Bush et d’autres à la Maison Blanche le considèrent comme un Hitler potentiel. « c’est le nom qu’ils emploient. Ils disent : est-ce que l’Iran possédera l’arme stratégique et menacera de déclencher une nouvelle guerre mondiale ? »

Un conseiller auprès du gouvernement, qui a d’étroites relations avec la direction civile du Pentagone, a dit que Bush était « totalement convaincu que l’Iran aura la bombe » si personne ne les arrête. Il a dit que le Président croit qu’il devra faire « ce qu’aucun Démocrate ou Républicain, s’il était élu, n’aura le courage de faire plus tard, » et « qu’il laissera en héritage le sauvetage de l’Iran ».

Un ancien fonctionnaire du ministère de la Défense, qui gère encore certains dossiers délicats pour l’administration Bush, m’a dit que les plans militaires étaient basés sur la conviction « qu’une campagne soutenue de bombardements humilierait la direction religieuse et provoquerait un soulèvement et le renversement du gouvernement. » Il ajouta, « j’ai été choqué d’entendre ces propos et je me suis demandé ce que qu’ils avaient fumé ».

Les justifications en faveur d’un changement de régime furent énoncées au début du mois de mars par Patrick Clawson, un expert sur l’Iran et directeur adjoint de la recherche du Washington Institute for Near East Policy, et qui est un partisan de Bush. « Tant que l’Iran sera une république islamique, il aura un programme d’armes nucléaires, au moins clandestin », déclara Clawson devant la Commission des Affaires Etrangères du Sénat US, le 2 mars. « La question essentielle est donc la suivant : combien de temps durera l’actuel régime iranien ? »

Lorsque j’ai parlé avec Clawson, il a souligné que « cette administration déploie beaucoup d’efforts dans la voie diplomatique. » Cependant, ajouta-t-il, l’Iran n’a pas d’autre choix que de céder aux exigences américaines ou de subir une attaque militaire. Clawson a dit qu’il craignait qu’Ahmadinejad « ne perçoive l’Occident comme une bande de faibles qui finiront par céder. Nous devons être prêts à affronter l’Iran si la crise s’accentue. » Clawson a dit qu’il préférerait le recours au sabotage et autres actions clandestines, telles que « l’accident industriel ». Mais, a-t-il dit, il serait prudent d’être préparé à une guerre à plus grande échelle, « étant donné le comportent des Iraniens. Ce n’est pas comme si on planifiait l’invasion du Québec. »

Un planificateur militaire m’a dit que les critiques de la Maison Blanche à l’égard de l’Iran et le rythme soutenu de planification des activités clandestines constituaient une campagne de « pression » sur l’Iran. « Il faut être prêt à y aller, et nous verrons comment ils réagiront, » a dit l’officier. « Il faut être réellement menaçant pour faire reculer Ahmadinejad. » Il ajouta : « les gens pensent que Bush est obsédé par Saddam Hussein depuis le 11 septembre, » mais « à mon avis, s’il fallait nommer un pays qui a toujours été sa préoccupation depuis le début, c’est l’Iran. » (Lorsque j’ai demandé un commentaire, la Maison Blanche a répondu qu’elle ne ferait pas de commentaire sur les plans militaires mais ajouta « Comme l’a indiqué le Président, nous recherchons une solution diplomatique. » ; le Département de la Défense a déclaré aussi que le dossier Iranien était traité par des « voies diplomatiques » et refusa de fournir plus de précisions ; la CIA a dit que ce compte-rendu contenait des « inexactitudes » mais a refusé de préciser lesquelles.)

« Il s’agit de bien plus que d’une question de nucléaire, » m’a déclaré un diplomate de haut rang à Vienne. « ça, c’est juste un point de ralliement et il n’est pas trop tard pour le résoudre. Mais l’administration Bush croit qu’elle ne peut pas le résoudre avant de contrôler les coeurs et les esprits en Iran. Le véritable enjeu est qui contrôlera le Moyen-Orient et son pétrole dans les dix prochaines années. »

Un conseiller de haut rang auprès du Pentagone sur la guerre contre le terrorisme a exprimé une opinion similaire. « Cette administration pense que la seule manière de résoudre ce problème est de changer les structures du pouvoir en Iran, ce qui signifie la guerre, » a-t-il dit. Le danger, a-t-il dit, est que « cela renforce en Iran l’idée que la seule manière de défendre le pays est de posséder l’arme nucléaire. » Un conflit militaire qui déstabiliserait la région pourrait aussi accroître le risque terroriste. « si le Hezbollah entre en scène, a dit le conseiller, en référence au groupe terroriste considéré comme le plus efficace au monde, et qui est devenu un parti politique libanais très proche de l’Iran, « Al Qaeda arrivera dans son sillage. »


Au cours des dernières semaines, le Président a discrètement entamé des conversations sur les plans pour l’Iran avec certains sénateurs et députés influents, dont au moins un Démocrate. Un membre important du « House Appropriations Committee », qui n’a pas participé aux réunions mais en a discuté avec ses collègues, m’a dit qu’il n’y a pas eu de « comptes-rendus formels, » parce que « ils sont réticents à informer la minorité. Ils interviennent au Sénat, mais d’une manière sélective. »

Cette personne m’a dit que personne dans ces réunions « ne s’oppose réellement » à l’idée d’une guerre. « Les personnes qu’ils consultent sont les mêmes que celles qui ont mené l’attaque contre l’Irak. Au pire, quelques questions sont soulevées : comment allez-vous frapper simultanément tous les sites ? comment allez-vous frapper en profondeur ? (L’Iran est en train de construire des sites souterrains.) Il n’y a aucune pression de la part du Congrès » pour éviter une action militaire, ajouta-t-il. « La seule pression politique vient des types qui veulent en découdre. » Parlant du Président Bush, cette personne m’a déclaré que « le plus préoccupant dans tout ça, c’est que ce type est habité par une vision messianique. »

Certaines opérations, apparemment destinées à intimider l’Iran, sont déjà en cours. Cette personne m’a déclaré que des avions tactiques de la Marine, opérant à partir de navires mouillés dans la mer Arabique, effectuent depuis l’été dernier des manoeuvres de simulation de bombardement nucléaire - des manoeuvres d’ascension rapide connues comme des bombardements « par-dessus l’épaule » - à portée du rayon d’action des radars côtiers iraniens.

Le mois dernier, dans un document fourni lors d’une conférence sur la sécurité au Moyen Orient qui s’est tenue à Berlin, le Colonel Sam Gardiner, un analyste militaire qui a été formateur à l’Ecole Militaire Nationale avant de prendre sa retraite en 1987 de l’Armée de l’Air, a fourni une évaluation des moyens nécessaires pour détruire le programme nucléaire iranien. Travaillant à partir de photos satellites des sites connus, Gardiner a estimé qu’au moins quatre cents cibles devaient être détruites. Il ajouta :

« Je ne crois pas qu’un planificateur de l’armée américaine s’arrêterait là. L’Iran a probablement deux usines chimiques. Nous les attaquerons. Nous voudrons frapper les rampes de missiles balistiques de moyenne portée qui ont récemment été déplacées et rapprochées de l’Irak. Il y a quatorze bases aériennes qui abritent des avions... Nous voudrons nous débarrasser de cette menace. Nous voudrons frapper tout qui ce qui pourrait menacer le transport maritime dans le Golfe. Ce qui signifie frapper les sites de missiles et les sous-marins Iraniens à propulsion diesel... Certains sites seront peut-être trop difficiles à détruire avec des armes conventionnelles, même celles dotées d’un fort pouvoir de pénétration. Les Etats-Unis devront faire appel aux unités des Forces Spéciales. »

Un des plans initiaux des militaires, tel qu’il fut présenté à la Maison Blanche par le Pentagone il y a quelques mois, préconisait le recours à des armes tactiques nucléaires « briseurs de bunkers », telles le B61-11, contre les sites nucléaires souterrains. Une des cibles en Iran est l’usine de centrifugeuses, à Natanz, à environ 300 km au sud de Téhéran. Natanz, qui n’est plus sous la surveillance de l’AIEA, aurait une capacité de stockage souterraine pour cinquante mille centrifugeuses, et des laboratoires et ateliers à environ 20 mètres sous terre (75 pieds). Un tel nombre de centrifugeuses fournirait suffisemment d’uranium pour fabriquer environ 20 têtes nucléaires par an. (l’Iran a reconnu avoir initialement caché à l’AIEA l’existence d’un programme d’enrichissement d’uranium, mais affirme qu’aucune de ses activités ne viole le Traité de Non Prolifération.) La destruction de Natanz constituerait un échec majeur pour les ambitions nucléaires de l’Iran, mais les armes conventionnelles américaines ne pourraient pas garantir la destruction d’un site situé sous une couche de 20 mètres de terre et de roche, surtout s’il a été renforcé avec du béton.


Il existe un précédent datant de l’époque de la Guerre Froide en matière de bunker souterrain. Au début des années 80, les services de renseignement US ont repéré que le gouvernement soviétique avait entamé la construction d’un gigantesque complexe souterrain à l’extérieur de Moscou. Les analystes conclurent que le site était destiné à « garantir la continuité du gouvernement » - la survie de la direction politique et militaire en cas de guerre nucléaire. (Il existe des sites similaires en Virginie et Pennsylvanie, pour la direction américaine.) Le site soviétique existe toujours, et la plupart des informations détenues par les Etats-Unis sur ce site sont classées top-secret. « Ce qui nous a mis la puce à l’oreille, ce sont les puits de ventilation, dont certains avaient été maquillés. » m’a raconté un ancien haut fonctionnaire des services de renseignement. A l’époque, on était arrivé à la conclusion que « seuls les armes nucléaires » pouvaient détruire le bunker. Il ajouta que les analystes des services de renseignement pensent que les Russes ont aidé les Iraniens à construire leur propre site souterrain. « Nous constatons des similitudes, » particulièrement dans les puits de ventilation, a-t-il dit.

Un ancien haut fonctionnaire du Département de la Défense m’a dit que, selon lui, un bombardement limité suffirait à « entrer là dedans et provoquer suffisamment de dégâts pour ralentir le programme nucléaire - c’est faisable. » L’ancien fonctionnaire a dit que « les Iraniens n’ont pas d’amis, et nous pouvons leur rappeler, si nécessaire, que nous reviendrons frapper leurs infrastructures. Les Etats-Unis devraient se comporter comme s’ils étaient prêts à agir. » ajouta-t-il. « Nous n’avons pas besoin de détruire toutes leurs défenses anti-aériennes. Nos bombardiers furtifs et missiles sont très efficaces, et nous pouvons détruire au fur et à mesure qu’ils réparent. On peut aussi faire des choses au sol, mais c’est compliqué et très dangereux - comme mettre des produits très désagréables dans leurs puits de ventilation pour les endormir. »

Mais ceux qui connaissent le bunker, selon l’ancien haut fonctionnaire du renseignement, disent « pas question, il faut d’abord savoir ce qu’il y a en dessous - savoir quels sont les puits destinés à alimenter les gens, les générateurs, et quels sont les faux puits. Et il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas. » Le manque de fiabilité des renseignements laisse aux planificateurs militaires, étant donné que l’objectif est la destruction totale des sites, peu de choix en dehors des armes tactiques nucléaires. « Toute autre option, selon les partisans de l’option nucléaire, comporte trop d’incertitudes » a-t-il dit. « le mot clé chez les planificateurs est le mot « décisif ». C’est un choix difficile. Mais nous l’avons fait contre le Japon. »

Il a continué : « les planificateurs nucléaires sont soumis à un entraînement poussé et apprennent les détails techniques des dégâts qui sont provoqués - nous parlons ici de nuages en forme de champignon, de radiations, d’un nombre élevé de victimes, et de contaminations qui durent des années. Il ne s’agit pas d’un essai nucléaire souterrain, où on ne voit que le sol se soulever un peu. Ces politiciens n’ont strictement aucune idée de la chose, et chaque fois que quelqu’un essaie de leur en parler » - abandonner l’option nucléaire - « il se fait engueuler. »

L’attention accordée à l’option nucléaire a provoqué de sérieux conflits au sein de l’Etat Major, ajouta-t-il, et certains officiers parlent de démissionner. Il y a quelques mois, l’Etat Major a tenté de retirer l’option nucléaire des plans destinés à l’Iran - sans succès, a-t-il dit. « la Maison Blanche a dit « pourquoi remettez-vous en cause cette option ? C’est vous qui l’avez proposée. »

Le conseiller en guerre contre le terrorisme auprès du Pentagone a confirmé que l’administration envisageait sérieusement cette option, à cause d’un regain d’intérêt pour les armes tactiques nucléaires parmi le personnel civil du Pentagone et les milieux politiques. Il le qualifia de « force maléfique qu’il faut stopper. » Il confirma aussi que certains officiers supérieurs et officiels envisageaient de démissionner. « Il y a un fort sentiment parmi les militaires qui s’opposent à brandir des menaces nucléaires contre d’autres pays » m’a dit le conseiller. « Ce sentiment est partagé à haut niveau ». Le sujet pourrait bientôt arriver à un point tournant, a-t-il dit, parce que l’Etat Major est tombé d’accord pour remettre au Président Bush un rapport officiel où le recours à l’option nucléaire contre l’Iran est fortement déconseillé. « Le débat interne sur ce sujet s’est endurci ces dernières semaines, » a dit le conseiller. « Et si des officiers supérieurs du Pentagone s’opposent au recours aux armes nucléaires, alors cela ne se produira pas. »

Le conseiller ajouta, cependant, que l’idée de recourir aux armes tactiques nucléaires dans de telles situations était en train de gagner des adeptes au sein de la Commission Scientifique de la Défense, un groupe de conseillers dont les membres sont nommés par le Secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld. « Ils racontent au Pentagone qu’ils sont capables de fabriquer une B61 plus puissante et moins contaminante, » a-t-il dit.


Le président de la Commission Scientifique de la Défense se nomme William Schneider, Jr., qui était sous-secrétaire d’état sous l’administration Reagan. En janvier 2001, lorsque le Président Bush s’apprêtait à entrer en fonction, Scheider siégeait au sein d’une commission ad hoc sur les forces nucléaires sponsorisée par le « National Institute for Public Policy », un groupe de réflexion conservateur. Le rapport de la commission recommandait que les armes tactiques nucléaires soient traitées comme une partie essentielle de l’arsenal US et soulignait que « dans des circonstances qui requièrent une destruction rapide et efficace de cibles prioritaires, (les armes nucléaires tactiques) sont indispensables et beaucoup plus adaptées que les armes conventionnelles. » Plusieurs signataires du rapport sont devenus des membres importants de l’administration Bush, dont Stephen Hadley, conseiller en sécurité nationale, Stephen Cambone, sous-secrétaire d’état à la Défense sur les questions de renseignement et Robert Joseph, sous-secrétaire d’état sur le contrôle des armes et la sécurité internationale.

Le conseiller du Pentagone a remis en cause le bien fondé des frappes aériennes. « Les iraniens ont très bien éparpillé leurs sites, et nous n’avons aucune idée où se trouvent certaines éléments essentiels. Il se pourrait même qu’ils les aient évacués vers un pays étranger, » a-t-il dit. Il a averti, comme beaucoup d’autres l’ont déjà fait, que le bombardement de l’Iran pourrait provoquer une « réaction en chaîne » d’attaques contre des sites et des citoyens américains à travers le monde. « Que vont penser 1,2 milliards de musulmans, le jour où nous attaquerons l’Iran ? »

Avec ou sans l’option nucléaire, la liste de cibles pourraient s’allonger. Un ancien haut fonctionnaire du gouvernement Bush, qui a récemment pris sa retraite, et expert en planification de guerre, m’a dit qu’il s’est vigoureusement opposé à une attaque aérienne contre l’Iran, parce que « l’Iran est une cible beaucoup plus coriace » que l’Irak. Mais, a-t-il ajouté, « si vous avez l’intention de bombarder le pays pour arrêter le programme nucléaire, autant que le mensonge soit le plus crédible possible. On pourrait frapper quelques camps d’entraînement et résoudre des tas d’autres problèmes. »

Le conseiller du Pentagone a dit que dans l’éventualité d’une attaque, l’Air Force avait l’intention de frapper plusieurs centaines de cibles en Iran mais que « 99 % d’entre elles n’avaient rien à voir avec le problème de prolifération. Il y a des gens qui croient que c’est comme ça qu’il faut faire » - que l’administration peut atteindre ses objectifs en Iran par une campagne de bombardement, une idée qui est défendue par les néo conservateurs.


Si l’ordre d’attaquer devait être donné, les troupes de combat américains qui manoeuvrent actuellement en Iran seraient en position de signaler les cibles par des rayons laser, pour guider avec précision les bombardements et minimiser le nombre de victimes civiles. Il y a quelques mois, un conseiller du gouvernement proche des civils du Pentagone, m’a dit que ces unités travaillaient avec les groupes minoritaires en Iran, dont les Azéris, au nord, les Baloutchis, au sud-est, et les Kurdes, au nord-est. Les troupes « étudient le terrain, distribuent de l’argent aux tribus, et recrutent des éclaireurs parmi les tribus locaux et les bergers. » m’a dit le consultant. Un des objectifs était « d’avoir des yeux sur place » - et citant une phrase d’Othello, il a dit « donnez moi une preuve visible ». Le consultant a dit que l’objectif plus large était « d’encourager les tensions ethniques » et de saper le régime.

La nouvelle mission confiée aux troupes de combat est le fruit de la volonté du Secrétaire à la Défense Rumsfeld d’étendre le rôle des militaires dans les opérations clandestines, volonté qui fût officiellement exprimée dans la Revue de Defense Trimestrielle du Pentagone du mois de février. De telles activités, si elles étaient menées par la CIA, nécessiteraient l’accord du Président et devraient faire l’objet d’un rapport auprès de certains membres clés du Congrès.

« « Protection des forces » est le nouveau terme à la mode, » m’a dit l’ancien haut fonctionnaire du renseignement. Il faisait allusion à la position du Pentagone qui stipule que les actions clandestines qui peuvent être classés dans la catégorie des opérations destinées à la préparation du champ de bataille, ou à protéger les troupes, peuvent être considérées comme des opérations militaires et non pas des opérations de renseignement. Elles ne sont donc pas soumises à un contrôle de la part du Congrès. « Ces types à l’Etat Major disent qu’il y a beaucoup d’incertitudes concernant l’Iran, » a-t-il dit. « Il nous faut plus de données que dans le cas de l’Irak. Maintenant nous avons reçu carte blanche. »


La profonde défiance du Président à l’égard d’Ahmadinejad a renforcé sa détermination à affronter l’Iran. Son opinion a été confortée par les accusations selon lesquelles Ahmadinejad, qui devint membre d’une brigade des Gardiens de la Révolution en 1986, serait impliqué dans des activités terroristes à la fin des années 80. (Il y a des trous dans la biographie officielle d’Ahmadinejad à cette période [comme Bush dans sa jeunesse ? question banale du traducteur] ). Ahmadinejad aurait des liens avec Imad Mughniyeh, un terroriste qui a été impliqué dans les attentats meurtriers comme Bush avec posada Carriles?[ question banale du traducteur] contre une ambassade US et une caserne de Marines à Beyrouth en 1986. Mughniyeh était à l’époque le chef de la sécurité du Hezbollah ; il est sur la liste des terroristes les plus recherchés par le FBI.

Robert Baer, ancien officier de la CIA au Moyen Orient, entre autres, pendant vingt ans, m’a dit qu’Ahmadinejad et ses compagnons des Gardiens de la Révolution membres du gouvernement « sont capables de fabriquer une bombe, de la cacher, et de la lancer sur Israël. Ce sont des Chiites de l’apocalypse [comme Bush ? question banale du traducteur.]. Si vous êtes à Tel Aviv et que vous croyez qu’ils ont la bombe et des missiles - vous êtes obligés d’aller les détruire. Ces types sont cinglés [comme Bush ? question banale du traducteur], et il n’y a aucune raison pour ne pas le faire. »

Sous Ahmadinejad, les Gardiens de la Révolution ont étendue leur emprise dans toute la bureaucratie iranienne ; à fin janvier, ils ont remplacé des milliers de fonctionnaires par leurs propres hommes. Un ancien diplomate de haut rang des Nations Unies, qui a une grande expérience de l’Iran, a décrit la manoeuvre comme un « coup d’état silencieux », [comme l’élection de Bush ? question banale du traducteur] qui aura de profondes implications sombres pour l’Occident. « Le personnel technique du Ministère des Affaires Etrangères a été viré, d’autres attendent pour prendre leur place, » a-t-il dit. « Il est peut-être trop tard. Ces types se croient maintenant plus forts que jamais depuis la Révolution ». Il a dit aussi qu’eu égard à l’apparition de la Chine comme superpuissance émergeante, l’attitude de l’Iran est « au diable l’Occident. Tout est permis. » [comme Bush ? question banale du traducteur]

Le dirigeant religieux suprême de l’Iran, l’Ayatollah Khamenei, est considéré par de nombreux experts comme étant dans une position plus forte qu’Ahmadinejad. « Ahmadinejad est incontrôlable, » [ comme Bush ! affirmation banale du traducteur] m’a dit un diplomate européen. Le pouvoir est diffus en Iran. Les Gardiens de la Révolution sont les principaux défenseurs du programme nucléaire, mais en fin de compte, je ne crois pas qu’ils la dirigent. Le Dirigeant Suprême a une voix prépondérante en ce qui concerne le programme nucléaire, et les Gardiens ne feront rien sans son aval. »

Le conseiller du Pentagone sur la guerre contre le terrorisme a dit qu’ « il est hors de question de permette à l’Iran d’avoir la bombe. Nous ne pouvons pas nous permettre de voir des armes nucléaires tomber entre les mains des terroristes. C’est trop dangereux. » Il a ajouté que « tout le débat interne tourne autour de la manière de s’y prendre » - pour arrêter le programme nucléaire Iranien. Il est possible, a-t-il dit, que l’Iran décide unilatéralement de renoncer à son programme - ce qui arrêterait l’action des Etats-Unis. « Dieu nous fera peut-être une fleur, mais je ne le crois pas. La fin mot de l’histoire est que l’Iran ne peut pas devenir une puissance nucléaire. Et le problème est que les Iraniens se rendent compte que seule la possession de la bombe les protégerait des Etats-Unis. Ca va être moche. »


Alors que pratiquement personne ne doute des ambitions nucléaires de l’Iran, il y a un débat intense sur le temps qu’il leur faudra pour l’obtenir, et sur ce qu’il convient de faire. Robert Gallucci, un ancien expert du gouvernement en non-prolifération, actuellement doyen de l’Ecole de Politique Internationale de Georgetown, m’a dit « d’après ce que nous savons, il faudra encore huit à dix ans à l’Iran » pour posséder une arme nucléaire utilisable. Gallucci a ajouté, « S’ils avaient un programme clandestin, et que nous pouvions le prouver, et que nous serions incapables de l’arrêter par la négociation, la diplomatie ou la menace de sanctions, alors je serais favorable à une attaque. Mais si nous le faisons » - bombarder l’Iran - « sans être capables de prouver l’existence d’un programme secret, alors nous serions dans de sales draps. »

Meir Dagan, chef du Mossad, le service de renseignement israélien, a déclaré au Knesset au mois de décembre dernier que « l’Iran aura de l’uranium enrichi dans un an ou deux. A partir de là, la fabrication d’une arme nucléaire n’est plus qu’un problème technique. » Lors d’une conversation, a haut gradé du service de renseignement israélien m’a décrit ce qu’il considérait comme la duplicité des iraniens. « Il y a deux programmes nucléaires menés en parallèle, » en Iran - un programme déclaré à l’AIEA et un autre programme, dirigé par l’armée et les Gardiens de la Révolution. Les officiels israéliens ont souvent avancé cet argument, mais Israël n’a fournit aucune preuve. Richard Armitrage, Secrétaire adjoint à la Défense lors du premier mandat de Bush, m’a dit « Je crois que l’Iran a un programme d’armes nucléaire secret - je le crois, mais je ne le sais pas. »

Au cours des derniers mois, le gouvernement Pakistanais a autorisé les Etats-Unis à interroger A.Q. Kahn, connu comme le père de la bombe atomique pakistanaise. Kahn, qui est actuellement en résidence surveillée à Islamabad, est accusé d’avoir monté un marché noir de matériaux nucléaires ; il a effectué au moins un voyage secret à Téhéran à la fin des années 80. Lors des interrogatoires les plus récents, Khan a fourni des informations techniques sur l’arme iranienne et une échéance pour sa fabrication. « la situation est celle d’un « danger certain », a dit l’ancien conseiller du renseignement. (le conseiller du Pentagone a confirmé que Khan avait été « bavard comme une pie »). Le point préoccupant, a dit l’ancien haut fonctionnaire, « est qu’avec Khan, il y a un problème de crédibilité. Il est influençable et il raconte au néo conservateurs ce qu’ils ont envie d’entendre » - ou ce qui pourrait être utile au président pakistanais, Pervez Musharraf, qui est soumis à la pression de Washington pour participer à la guerre contre le terrorisme.

« Je pense que Khan nous mène en bateau, » a dit l’ancien fonctionnaire du renseignement. « Je ne connais personne qui annonce « voilà l’arme du crime ». Mais ça commence à prendre forme. Il nous fournit des informations sur les échéances, et des informations arrivent par nos propres sources - des détecteurs et des équipes clandestines. La CIA, qui a été échaudée par les armes de destruction massive en Irak, se rend au Pentagone et au bureau du Vice-président pour leur dire « Voilà de nouvelles informations ». Ceux de l’administration disent « nous en avons assez. »

Le problème dans cette affaire est que l’administration traîne les casseroles des fausses informations diffusées sur les ADM en Irak. Dans un article récent sur le site de Foreign Policy, intitulé « Remettons ça », Joseph Cirincione, directeur de la non-prolifération à la Fondation Carnegie pour la Paix Internationale, écrit « l’administration semble vouloir répéter la même campagne que pour sa guerre contre l’Irak. » Il note plusieurs parallèles :

Le vice-président des Etats-Unis prononce un important discours centré sur la menace d’un pays pétrolier au Moyen Orient. Le secrétaire d’Etat déclare au Congrès que ce même pays constitue notre plus sérieux défi dans le monde. Le secrétaire à la Défense qualifie ce pays de principal soutien au terrorisme international.

Cirincione qualifie certaines affirmations de l’administration sur l’Iran de « douteuses » ou qu’elle manque de preuves. Lorsque je lui ai parlé, il s’est demandé, « Qu’allons nous faire maintenant ? Quelle est la menace ? La question est : quelle est l’urgence ? » La réponse, a-t-il dit, « se trouve dans les services de renseignement et l’AIEA » (au mois d’août, le Washington Post publia un article qui affirmait que l’estimation la plus récente et complète du National Intelligence Estimate était que l’Iran ne deviendra pas une puissance nucléaire avant dix ans.)

L’année dernière, l’administration Bush communiqua à des officiels de l’AIEA des informations sur le programme iranien. Des informations qui, selon eux, étaient nouvelles et alarmantes, et qui avaient été découvertes dans l’ordinateur portable d’un iranien. Parmi ces informations se trouvaient un millier de pages de schémas d’un système d’armement. Le Washington Post écrivit qu’il y avait aussi des schémas d’un petit site qui pouvait être utilisé dans le processus d’enrichissement. Les fuites concernant l’ordinateur portable devinrent le sujet principal d’articles publiés dans Times et ailleurs. Ces articles avaient généralement pris la précaution de préciser que tous ces éléments pouvaient avoir été fabriqués de toutes pièces, mais ils ont aussi cité des officiels américains de haut rang qui déclarèrent que les documents paraissaient authentiques. Le titre de l’article du Times annonçait « les Etats-Unis comptent sur un ordinateur pour prouver l’existence d’un programme d’armes nucléaires iranien. »

Cependant, lors d’entretiens avec des officiels du renseignement américain et européen, il m’a été dit que l’ordinateur portable était plus douteux et moins révélateur que ce qui avait été dit. L’iranien à qui appartenait l’ordinateur avait initialement été recruté par des agents des services de renseignement allemands et américains qui travaillaient en collaboration. Les américains ont fini par se désintéresser du personnage. Les allemands ont persisté, mais l’iranien fut arrêté par le contre-espionnage iranien. On ne sait pas où il se trouve aujourd’hui. Certains membres de la famille réussirent à quitter l’Iran avec son portable et l’ont remis à une ambassade US, apparemment quelque part en Europe. Un cas classique « de cadeau tombé du ciel ».

Un officiel d’un service de renseignement européen a dit « nous avons eu quelques hésitations » sur la signification réelle de ces informations, « et nous ne sommes toujours pas convaincus ». Les dessins n’étaient pas très détaillés, contrairement aux allégations de la presse, « mais ressemblaient plutôt à des croquis, » a-t-il dit. « c’était loin d’être concluant ».


La menace d’une action militaire américaine a provoqué la consternation au siège de l’AIEA à Vienne. Les officiels de l’agence sont convaincus que l’Iran veut obtenir les capacités de fabriquer une arme nucléaire mais « personne n’a produit la moindre preuve de l’existence d’un programme parallèle de développement d’armes nucléaires en Iran, » m’a déclaré un diplomate de haut rang. Selon les estimations les plus poussées de l’AIEA, l’Iran ne pourra fabriquer la bombe avant cinq ans. « Mais, si les Etats-Unis entreprennent une action militaire, la fabrication de la bombe se convertira en une question de fierté nationale pour l’Iran, » a dit le diplomate. « l’enjeu dans cette affaire est la perception que les américains ont des intentions iraniennes, et ils ne font pas confiance au régime. L’Iran est une menace pour la politique américaine. »

A Vienne, on m’a raconté une réunion tendue au début de l’année entre Mohamed El Baradei, le directeur général de l’AIEA, qui remporta le Prix Nobel de la Paix l’année dernière, et Robert Joseph, le sous-secrétaire d’état au contrôle des armes (US). Le message délivré par Joseph était direct, se souvient un diplomate : « Nous ne tolérerons pas une seule centrifugeuse en Iran. L’Iran représente une menace directe pour la sécurité nationale des Etats-Unis et ses alliés [à part Israël, les îles Marshal et Palau, il en reste ? question banale du traducteur], et nous ne pouvons pas l’accepter. Nous voulons un engagement de votre part que vous ne direz rien publiquement qui puisse nous nuire. »

L’agressivité affichée par Joseph était inutile, a dit le diplomate, parce que l’AIEA avait déjà adopté une position dure à l’égard de l’Iran. « tous les inspecteurs sont en colère pour avoir été menés en bateau par les Iraniens, et certains pensent que les dirigeants iraniens sont des cinglés - certifiés cent pour cent cinglés [comme Bush ? question banale du traducteur], » a dit le diplomate. Il a ajouté que la préoccupation principale d’El Baradei était que les dirigeants iraniens « désirent arriver à l’affrontement, tout comme les néocons en face » - à Washington. « en fin de compte, la seule chose qui marcherait serait que les Etats-Unis acceptent de dialoguer avec l’Iran. »


La question centrale - est-ce que l’Iran sera capable de poursuivre son programme d’enrichissement - est désormais devant les Nations Unies, où les Russes et les Chinois sont réticents à l’idée d’imposer des sanctions contre l’Iran. Un ancien fonctionnaire désabusé de l’AIEA m’a dit, à la fin du mois de mars, qu’à ce stade, « il n’y a rien que les iraniens puissent faire pour dénouer cette crise. La diplomatie américaine ne le permet pas. Même si (les iraniens) annonçaient l’arrêt de l’enrichissement, personne ne les croirait. C’est une voie sans issue. »

Un autre diplomate à Vienne s’est demandé « pourquoi est-ce que l’Occident prendrait le risque d’une guerre contre une telle cible sans donner à l’AIEA la possibilité de vérifier ? Nous n’avons pas grand-chose à perdre, et nous pouvons imaginer un programme qui obligerait les iraniens à abattre toutes leurs cartes. » Un ambassadeur occidental à Vienne a exprimé le même point de vue concernant la mise à l’écart de l’AIEA par la Maison Blanche. Il a dit « si on ne croit pas en la capacité de l’AIEA de mener un programme d’inspection - si on ne leur fait pas confiance - il ne reste plus qu’une solution : bombarder. »

L’administration Bush et ses alliés européens n’éprouvent pas beaucoup de sympathie pour l’AIEA. « Nous sommes plutôt frustrés par le directeur général, » m’a dit un diplomate européen. « Son attitude a surtout consisté à présenter cette affaire comme une dispute entre deux camps équivalents. Ce n’est pas cas. C’est nous les gentils ! El Baradei défend l’idée que l’Iran pourrait être autorisé à avoir un petit programme d’enrichissement d’uranium, ce qui est ridicule. Son boulot n’est pas de défendre des idées qui représentent une risque grave de prolifération ».

Les européens sont cependant perturbés par le fait qu’ils sentent de plus en plus que le Président Bush et le Vice-président Cheney pensent qu’une campagne de bombardement est indispensable, et que leur véritable objectif est un changement de régime. « tout le monde est sur la même longueur d’onde en ce qui concerne la bombe iranienne, mais les Etats-Unis veulent un changement de régime, » m’a dit un conseiller diplomatique européen. Il a ajouté, « les Européens ont un rôle à jouer tant qu’ils n’ont pas à choisir entre les Russes et les Chinois ou les Américains et ne sont pas poussés dans une direction qu’ils refusent. Leur politique est de maintenir les Américains dans un cadre acceptable pour les Européens. Une position qui risque de se révéler intenable. »

« les Britanniques pensent que c’est une très mauvaise idée, » m’a dit Flynt Leverett, un ancien membre du Conseil National de Sécurité et qui est actuellement membre du Saban Center de l’Institut de Brooking, « mais ils sont réellement préoccupés par l’idée que nous allons le faire. » Le conseiller diplomatique européen a reconnu que le Ministère Britannique des Affaires Etrangères était au courant des plans de guerre américains mais que « à moins de trouver l’arme du crime, il sera très difficile d’entraîner les Européens dans un conflit avec l’Iran. » Il a dit que les Britanniques « étaient très préoccupés par l’idée que les Américains pourraient en avoir assez des Iraniens et refuseraient tout compromis. »

Le diplomate européen a dit qu’il était douteux que l’Iran, connaissant son passé, ait réellement dit toute la vérité, mais « à notre connaissance, l’Iran n’est pas encore capable de faire fonctionner les centrifugeuses » au point d’enrichir une quantité significative d’uranium. Une des raisons qui milite en faveur d’une voie diplomatique, a-t-il dit, est principalement le pragmatisme des Iraniens. « Le régime agit en fonction de ses intérêts, » a-t-il dit. Les dirigeants iraniens « adoptent une ligne dure sur la question nucléaire et veulent relever le défi américain, » et ils croient que « plus ils seront inflexibles et plus l’Occident risquera de céder. ». Mais, a-t-il dit, « Selon notre expérience de l’Iran, ils donneront l’impression d’être super confiants jusqu’au moment où ils reculeront. »

Le diplomate a poursuivi, « il ne faut jamais récompenser un mauvais comportement, et ce n’est pas le moment de faire des concessions. Il nous faut trouver le moyen de ramener le régime à la raison. Ca va être serré, mais je crois que si nous présentons un front uni dans notre opposition et que le prix à payer » - les sanctions - « sera suffisamment élevé, ils finiront peut-être par reculer. Il est encore trop tôt pour abandonner la voie de l’ONU. » Il a ajouté, « si la diplomatie ne donne rien, il n’y aura pas de « solution » militaire. Il y aura peut-être une option militaire, mais les conséquences pourraient être catastrophiques. »

Tony Blair, le Premier Ministre britannique, était l’allié le plus fidèle de George Bush pendant les préparatifs de l’invasion de l’Irak en 2003. Mais lui et son parti ont été secoués par une série de scandales financiers, et sa côte de popularité est au plus bas. Jack Straw, le ministre des affaires étrangères, a déclaré l’année dernière qu’un action militaire contre l’Iran était « inconcevable ». Blair avait été moins catégorique, en déclarant publiquement qu’il ne fallait écarter aucune option.

D’autres officiels européens ont exprimé le même scepticisme sur l’efficacité d’un bombardement par les américains. « L’économie iranienne est en mauvaise santé, et Ahmadinejad est, politiquement, en mauvaise posture, » m’a dit l’officiel du renseignement européen. « Il sortira renforcé par une attaque américaine. On peut le faire, mais le résultat sera encore pire. » Une attaque américaine, a-t-il dit, aliénerait les iraniens ordinaires, y compris ceux qui seraient favorables aux Etats-Unis. « L’Iran n’est plus à l’age de pierre, et les jeunes ont accès aux films et livres US, et ils les adorent, » a-t-il dit. « S’il y avait une offensive de charme contre l’Iran, les mollahs se retrouveraient à terme en difficulté. »

Un autre officiel européen m’a dit qu’il était conscient que beaucoup de gens à Washington voulaient voir de l’action. « C’est toujours les mêmes, » a-t-il dit, avec un haussement d’épaules résigné. « Il y a une croyance selon laquelle la voie diplomatie est condamnée à l’échec. Le temps est compté. »

Un allié essentiel et une voix importante dans ce débat est Israël, dont les dirigeants lancent depuis des années des avertissements contre toute tentative de l’Iran de lancer un programme d’enrichissement, ce qui constituerait un point de non retour. Plusieurs officiels m’ont dit que la Maison Blanche voulait éviter une attaque israélienne contre un pays musulman, ce qui pourrait provoquer des réactions à travers toute la région, et que ceci expliquait en partie la décision d’entamer l’étude des plans d’intervention en cours. Lors d’un discours prononcé à Cleveland, le 20 mars, le Président Bush décrivit l’hostilité d’Ahmadinejad envers Israël comme une « menace sérieuse. C’est une menace contre la paix mondiale. » [comme Bush ? question banale du traducteur] Il ajouta, « J’ai déjà été très clair, je serai très clair à nouveau, nous emploierons la force militaire pour protéger notre allié Israël. »Toute attaque américaine, m’a dit Richard Armitage, devrait prendre en compte les questions suivantes : « que se passera-t-il dans les autres pays islamiques ? quelles sont les capacités de l’Iran de nous frapper globalement - c’est-à-dire par le terrorisme ? Est-ce que la Syrie et le Liban renforceront leurs pressions sur Israël ? Quel impact aura l’attaque sur notre image dans le monde, déjà mal en point ? Et que signifiera-t-elle pour la Russie, la Chine et le Conseil de Sécurité de l’ONU ? »

L’Iran, qui produit actuellement près de quatre millions de barils de pétrole par jour, n’aurait pas besoin de couper sa production pour déstabiliser les marchés pétroliers mondiaux. Il pourrait bloquer de détroit d’Ormuz, un passage large d’environ 50 km par où transite le pétrole du Moyen Orient en direction de l’Océan Indien. Néanmoins, un fonctionnaire du ministère de la Défense, à la retraite depuis peu, a minimisé les conséquences stratégiques de telles actions. Il m’a dit que la marine US serait capable d’assurer le passage par des actions d’assistance et de draguage de mines. « il serait impossible de bloquer le passage, » a-t-il dit. Le conseiller du gouvernement proche du Pentagone a lui aussi dit qu’il pensait que le problème du pétrole pouvait être géré, en soulignant que les Etats-Unis avaient suffisamment de réserves stratégiques pour faire fonctionner leur pays pendant soixante jours. Cependant, ceux à qui j’ai parlé dans les milieux d’affaires pétroliers étaient moins optimistes ; un expert a estimé que le prix du baril grimperait instantanément, quelque part entre 90 et 100 dollars le baril, et même plus, selon la durée et l’étendue du conflit. [ précision du traducteur : et en cas de guerre nucléaire (soyons optimistes que diable) le prix du pétrole sera tel que nous conseillons dés à présent à nos lecteurs d’acheter un gros paquet d’actions de compagnies pétrolières et de les revendre dès que les nuages radioactives se seront dissipés.]

Michel Samaha, un politicien chrétien vétéran au Liban et ancien ministre à Beyrouth, m’a dit que la riposte iranienne pourrait se concentrer sur les champs pétroliers exposés en Arabie Saoudite, Qatar, Koweït, et les Emirats Arabes Unis. « ils seraient exposés, » a-t-il dit, « et ça pourrait être le début d’une véritable djihad de l’Iran contre l’Occident. Ca sera pas beau. »

L’Iran pourrait aussi déclencher une vague d’attaques terroristes en Irak ou ailleurs, avec le soutien du Hezbollah. Le 2 avril, le Washington Post révéla que les plans dressés pour contrer une telle éventualité « consomment beaucoup de temps » dans les services de renseignement US. [bah, pendant qu’ils font ça, ils font pas ch... le reste du monde. Commentaire du traducteur]. « Le meilleur réseau terroriste au monde est resté neutre dans la guerre contre le terrorisme ces dernières années, » a déclaré un conseiller du Pentagone en parlant du Hezbollah. « Ca va les réveiller et nous aurons à nous affronter à l’organisation qui a chassé Israël du Sud Liban. Si nous lançons une action contre l’Iran, le Hezbollah ne restera pas sur les bancs de touche. Si les israéliens ne les neutralisent pas, ils se mobiliseront contre nous. » (lorsque j’ai interrogé le conseiller du gouvernement sur une telle possibilité, il a dit que si le Hezbollah tirait des roquettes sur le nord d’Israël, « Israël et le nouveau gouvernement libanais les élimineront. »)

Le conseiller a ajouté, « si nous y allons, la moitié sud de l’Irak s’embrasera comme une chandelle. » Les américains, les britanniques et les autres forces de la coalition en Irak courraient le risque d’être attaqués par les troupes iraniennes et les milices chiites qui obéissent à l’Iran. (L’Iran, à majorité chiite, a des liens étroits avec les partis chiites en Irak.) Un général quatre étoiles à la retraite m’a dit que, malgré les 8000 soldats britanniques stationnés dans la région, « les Iraniens pourraient prendre Bassora avec dix mollahs et un camion équipé de haut-parleurs. »

« En cas d’attaque, » m’a dit un diplomate de haut rang à Vienne, « Ahmadinejad sera le nouveau Saddam Hussein du monde arabe, mais plus crédible et plus puissant. Il faut mettre son mouchoir dans sa poche et s’asseoir à la table des négociations avec les Iraniens. »

Le diplomate a poursuivi, « il y a des gens à Washington qui seraient mécontents de nous voir trouver une solution. Ils sont toujours à la recherche d’une confrontation et d’un changement de régime. Ils prennent leurs désirs pour des réalités. » Il a ajouté, « C’est maintenant ou jamais. »

Seymour Hersh


- Traduction :Viktor Dedaj pour Cuba Solidarity Project.
http://vdedaj.club.fr/cuba/index.html


[ S’ils n’espéraient pas en tirer un profit quelconque, les États-Unis ne se donneraient pas tant de mal pour amener l’Iran devant le Conseil de Sécurité. ]
Arrêtons la guerre en Iran avant qu’elle ne commence, par Gary Leupp.

Une Troisième Guerre Mondiale, sinon rien : les implications d’une attaque US contre l’Iran, par Heather Wokusch.

Iran : Les vrais hommes vont à Téhéran, par M. Shahid Alam.


Iran : les USA achèvent les préparatifs en vue d’ une attaque,
par Wayne Madsen.

Les forces spéciales israéliennes se tiennent « fin prêtes ».
Le directeur de la CIA demande à la Turquie de se tenir prête à une attaque contre l’Iran

, Chris Floyd, Kurt Nimmo.



Diffusion autorisée et même encouragée
merci de mentionner les sources
Source:
le Grand Soir

15 avril 2006

Radios associatives sous contrôle

Un décret sorti du chapeau menace la liberté éditoriale des radios associatives. Rassemblement devant beaubourg le samedi 25 mars à 15h.

Le décret a été provisoirement remisé, une nouvelle mouture étant programmée pour les semaines à venir. A suivre donc de très près.

SIGNEZ LA PETITION

Collectif Radios associatives en danger


Appel à la création d’un collectif national

- contre les tentatives de marginalisation des radios associatives par les pouvoirs publics,
- pour la défense de la liberté d’expression

Nos 600 radios associatives sont, depuis de nombreuses années, un acteur essentiel de la démocratie et du dialogue social. Mais, alors que nous allons bientôt célébrer le 100ème anniversaire de l’apparition de la radio en France, ainsi que le 25ème anniversaire de la légalisation des stations locales non commerciales, les pouvoirs publics s’apprêtent, en toute discrétion, à porter un coup qui menace d’être fatal à nombre d’entre elles.

Il y a quinze jours, le ministre de la Culture et de la Communication, par l’entremise de ses services (Direction des médias), proposait la création, tout simplement liberticide, d’une aide financière sélective accordée sur projet éditorial, pour partie en lieu et place de l’actuelle subvention de fonctionnement distribuée chaque année aux radios associatives.

Et, le 1er mars, c’était au tour de la commission des finances du Sénat, sur proposition de Claude Belot (UMP-Charente-Maritime), rapporteur spécial pour les crédits aux médias, de lui prêter son concours, en approuvant le projet ministériel et en suggérant de diriger les stations non commerciales vers davantage de publicité !

Une assignation à résidence

Les radios non commerciales sont financées, pour une large part, et depuis 1986, par un Fonds de soutien à l’expression radiophonique, selon un processus d’attribution essentiellement automatique, à l’instar de ce qui existe pour les aides à la presse écrite. Le projet de décret fixant le fonctionnement du nouveau FSER revenait à conditionner l’octroi d’une partie substantielle de la subvention annuelle à l’acceptation préalable, par les pouvoirs publics, de projets éditoriaux présentés par les radios associatives.

Etant donné le délai très court pour le dépôt des dossiers de demande de subvention 2006, au plus tard le 29 avril prochain, ce nouveau décret devrait être appliqué en 2007.

Ce nouveau mode de subventionnement allait donc ouvrir la porte à l’arbitraire. En effet, nul critère d’attribution n’était défini dans le texte ministériel. En outre, il est probable que beaucoup moins de radios seraient susceptibles de bénéficier du FSER, du fait des divers interdits imposés par le projet de décret. Il y avait là une atteinte manifeste à la liberté éditoriale et, plus largement, à la liberté d’expression, principe inaliénable de toute démocratie digne de ce nom. Drôle de conception du « soutien à l’expression radiophonique »...

De la même façon, le projet de décret entendait diminuer le niveau du subventionnement. En outre, le ministère s’accordait la capacité/le droit d’exercer un contrôle au sein même des radios associatives, par l’envoi d’experts mandatés par ses soins, afin de vérifier la bonne réalisation des projets éditoriaux préalablement validés, avec la possibilité de réclamer le remboursement des sommes allouées ! Enfin, l’administration centrale se voyait accorder un délai maximal de dix mois pour traiter les demandes, son silence, à ce terme, valant refus ! Evolution singulière de la pratique administrative...

En bref, avec un tel texte, le ministère de la Communication donnait à penser qu’il entendait « assigner à résidence » un média libre (depuis la fin des années 70), exerçant une mission d’intérêt général. Il est d’ailleurs significatif que ce projet de décret ne faisait même pas référence à l’article de la loi sur la liberté de communication, qui reconnaît l’accomplissement, par nos radios, d’une « mission de communication sociale de proximité ».

Face aux premières protestations des représentants des radios non commerciales, ce projet de décret vient d’être remis en chantier. Mais les représentants des stations concernées ne sont toujours pas associés, de manière officielle et effective, à l’élaboration d’une nouvelle mouture. De plus, il apparaît essentiel que le CSA puisse, dans un avis circonstancié, se prononcer publiquement sur ce nouveau texte.

L’arme fatale de la publicité

La menace vient de ressurgir du côté de la commission du Sénat, qui demande :
- que « les subventions devraient être orientées vers des aides à projets » : c’est la stricte reprise du premier texte ministériel concernant le projet de décret ;
- qu’« il conviendrait de mieux mesurer l’audience des radios locales associatives, conformément à l’esprit de la Loi organique sur les lois de finances » : nos parlementaires semblent ignorer que nos radios s’adressent, en bonne partie, à des auditeurs engagés dans la vie civile, sur les plans social, culturel, éducatif, et/ou économique ; le critère d’audience pure n’a donc pas de véritable sens. En tout état de cause, quels que soient nos projets éditoriaux, nous n’entendons pas vendre à quiconque des parts de cerveaux disponibles... ;
- que « le plafond de 20 % de ressources publicitaires pour bénéficier des aides pourrait être rehaussé, afin d’encourager la diversification des ressources des radios locales » : ce sont les médias commerciaux, qui alimentent le FSER par le versement d’une taxe (nous ne prenons rien dans la poche de l’Etat et, donc, des contribuables), qui vont être contents !!!

Appel à un front uni

C’est la première fois que l’Etat tente ainsi de s’immiscer dans le contenu éditorial des radios libres. Il s’agit là d’une intolérable dérive qui, si nous la laissions passer, ferait partie de toute une série de mesures liberticides, tant vis-à-vis des radios associatives que de la presse en général, ainsi que des associations et du secteur culturel dans son ensemble.

Ces tentatives interviennent, en outre, dans un contexte de forte morosité. De lourdes incertitudes pèsent, depuis 2004, sur le financement des radios associatives (retards jusqu’à plus de six mois dans le versement de la subvention nationale de fonctionnement ; disparition de plusieurs aides à l’emploi). Elles affectent leur vie quotidienne et menacent leur avenir. Certaines stations révisent leurs projets à la baisse et réduisent leur personnel, au détriment de la « défense et illustration » des initiatives locales des acteurs sociaux, culturels et économiques. Et au grand désarroi des collectivités locales, pleinement convaincues de l’immense apport de ces opérateurs associatifs.

C’est donc à la mobilisation générale et à la constitution d’un vaste front uni que nous appelons aujourd’hui.

Ce Collectif national se doit de regrouper l’ensemble des organisations radiophoniques associatives, nationales et régionales, ainsi que toutes les forces vives : élus, médias, associations, syndicats, partis politiques, artistes, acteurs culturels, sociaux et auditeurs de nos stations,

Pour que vivent nos radios libres, sans lesquelles l’expression citoyenne serait, en bonne part, muette !

12 avril 2006

LA POURSUITE DU BONHEUR DANS UN MONDE COMPLEXE

Le Bhoutan se donne pour objectif le bonheur national.

Qu’est ce que le bonheur ? Aux Etats-Unis et dans la plupart des pays industrialisés bonheur rime souvent avec argent. Les économistes pensent qu’il est possible d’évaluer le progrès et le bien-être social à l’aide d’indicateurs chiffrés; l’indicateur habituellement utilisé est le produit national brut (PNB).

Mais le petit royaume himalayen du Bhoutan, s’interrogeant sur les problèmes qui affectent les pays riches qui ne se soucient que de croissance économique, essaya une autre formule. En 1972, son nouveau roi, Jigme Singye Wangchuck, décide d’une nouvelle priorité, celle du bonheur national brut (BNB).

Le roi déclara que Le Bouthan devait pourvoir à la prospérité de chacun tout en maintenant une gestion intelligente respectueuse des traditions et de l’environnement . Aujourd’hui âgé de 49 ans, le roi appliqua une politique en vue d’atteindre ces objectifs.
Depuis, l’exemple du Bhoutan nourrit de plus amples réflexions autour de la notion de bien être national.

Un nombre croissant d’économistes, de sociologues et d’administrateurs essaient de mettre au point des systèmes pour mesurer non seulement la circulation monétaire mais également l’accès aux soins, le temps consacré à la famille, la conservation des ressources naturelles et autres facteurs non économiques.

Le but est de revenir en partie à une définition élargie du mot « bonheur », plus conforme à celle que les signataires de la Déclaration d’indépendance avaient à l’esprit quand ils considérèrent que la « recherche du bonheur » était pour les américains un droit inaliénable au même titre que la liberté et le droit à la vie.

« La théorie du bonheur, telle qu’elle est pensée aux siècles des Lumières, était synonyme d’intérêt ou de bien-être publics, de satisfaction du peuple » dit John Ralston Saul, penseur politique canadien. Et, ajouta t’il, cela ne pourrait n’être rien de plus « que l’idée du 20iéme siècle selon laquelle vous devriez sourire parce que vous êtes à Disneyland.»

Mr Saul était l’une des 400 personnes venus de plus d’une dizaine de pays qui se sont récemment réunis pour réfléchir à de nouveaux systèmes pour définir et mesurer la prospérité.

Le congrès qui s’est tenu à l’université Saint Francis Xavier dans le nord de Nova Scotia (Canada) mélangea chaleur des idéaux et froideur des chiffres économiques. Parmi les participants figuraient une trentaine de représentants du Bhoutan venus présenter leur expérience nationale dans la construction d’une société satisfaite et heureuse.

Alors que le revenu d’une famille reste au Bhoutan l’un des plus bas du monde, l’espérance de vie a augmenté, entre 1984 et 1998, de 19 ans, atteignant aujourd’hui 66 ans. Le pays qui s’apprête à changer de constitution et à élire son gouvernement, exige qu’au moins 60% de son territoire reste boisé, accueille un nombre limité de touristes riches et exporte de l’énergie hydraulique en Inde.

« Nous devons réfléchir au bien être humain en termes plus larges » dit Lyonpo Jigmi Thinley, ministre de l’Intérieur du Bhoutan et ancien premier ministre. « le bien être matériel n’est qu’un composant du bonheur. Il ne vous assure pas d’être en harmonie avec votre environnement et d’être en paix avec les autres.»

Ce concept provient de la doctrine boudhiste. Il y a 10 ans, il aurait été rejeté par la plupart des économistes et des experts internationaux comme relevant d’un idéalisme naïf.

Lorsqu’un pays ou une famille commencent à sortir de la pauvreté, richesse et bien-être vont de pair. Mais différentes études indiquent qu’au-delà d’un revenu par tête de 10000 ou 20000 dollars, le bonheur ne suit plus.

Des études ont montré que certains pays étaient plus heureux qu’ils ne devaient l’être. Dans l’enquête « Valeurs du monde » (« World Values Survey »), un projet en cours depuis 1995, Ronald Inglehart, sociologue à l’université de Michigan, a constaté que les habitants des pays d’Amérique Latine, par exemple, jouissaient d’un bonheur personnel bien plus grand que celui suggéré par le statut économique de ces pays.

Mais on a pressé les chercheurs de mettre au point des systèmes de mesure capables d’intégrer ce concept élargi du bonheur.

En mars, la Grande Bretagne a annoncé qu’elle allait appliquer un « indicateur de bien-être » qui prendrait en compte non seulement le revenu mais aussi la santé mentale, la civilité, l’accès aux jardins publics et le taux de criminalité.
En juin, les officiels britanniques publièrent un premier compte-rendu allant dans ce sens sous la forme d’un récapitulatif « d’indicateurs de développement durable » rassemblant des critères sociaux et environnementaux tels que criminalité, circulation (des biens et des personnes, relations entre les gens ?), degré de pollution et niveau de recyclage.

« Ce que nous faisons dans tel domaine de notre vie peut avoir un impact sur beaucoup d’autres, ainsi réflexions et actions conjointes entre gouvernement central et local sont cruciales » a déclaré Elliot Morley, ministre de l’environnement britannique.

Quelques experts qui assistaient à la conférence qui dura une semaine se sont demandé si un bien être national pouvait être vraiment défini. Le simple fait d’essayer de quantifier le bonheur pourrait le menacer dit Frank Bracho, économiste vénézuélien et ancien ambassadeur en Inde, qui ajoute : « Ce qui est le plus important dans la vie, comme l’amour, ne peut pas être mesuré. »

Les représentants du Bhoutan présents au congrès ont décrit diverses initiatives cherchant à créer les conditions les plus favorables pour améliorer la qualité de vie de la manière la plus équitable.

L’effort du Bhoutan vise en partie, à éviter que la notion de richesse ne prévale sur celle de la qualité de la vie.

« Le but de la vie ne devrait pas être limité à la production et à la consommation, plus de production pour plus de consommation » a déclaré Thakur S Powdyel, officiel du ministère de l’Education du Bhoutan, « il n’existe pas de corrélation absolue entre richesse et bonheur. »

08 avril 2006

Vers la révolution du revenu garanti ?

Vers la révolution du revenu garanti ?

Par Jean Zin,

Le débat entre enfin dans sa phase décisive où ce n'est plus seulement la précarité des jeunes mais la précarisation de toute la société qui est en cause et la nécessité de trouver de nouvelles protections contre cet état de fait insupportable. Il n'est plus possible de s'en tenir à des positions libérales ni au simple conservatisme. Pour l'instant le modèle inaccessible semble être celui du Danemark, c'est-à-dire d'une grande liberté juridique équilibrée par des syndicats puissants, une grande flexibilité des emplois associée à tous les moyens du développement humain, assez loin de notre réalité actuelle. L'idée d'un contrat unique où l'on gagne des points à mesure qu'on reste dans la même entreprise ne fera que renforcer la précarité des plus précaires. C'est aussi le reproche qu'on peut faire à la revendication d'une sécurité sociale professionnelle qui représente bien ce qu'il faut faire (assurer une continuité du revenu "au-delà de l'emploi") mais avec le même inconvénient de protéger surtout les plus protégés, les insiders, en laissant de plus en plus d'exclus à l'extérieur, outsiders sans droits et sans avenir.

Il n'est pas possible de tolérer ceci plus longtemps et il est temps d'affirmer, comme un nouveau droit de l'homme, le droit à un revenu décent, revenu d'autonomie sans lequel il n'y a pas vraiment de droits. Cela semble encore trop utopique et pourtant c'est une revendication qui insiste et gagne de plus en plus de partisans, revendication qui devrait s'imposer dans le contexte actuel car le revenu garanti n'est pas seulement l'instrument de la lutte contre la précarité et la misère, c'est surtout un renversement complet de logique de la sécurité sociale au développement humain, c'est l'investissement dans la personne, dans son autonomie et sa créativité exigées par le devenir immatériel de l'économie où les travailleurs du savoir sont destinés à la résolution de problèmes dans un environnement incertain.

Le fait est qu'on ne peut plus compter sur la continuité des emplois à l'ère de l'information, ce qui change tout par rapport à l'ère industrielle, indépendament d'un chômage de masse qui devrait commencer à baisser normalement. En effet, de deux choses l'une. Soit les protections sociales sont attachées à l'emploi avec les conséquences d'inégalité et d'exclusion que nous connaissons d'autant plus que l'emploi devient discontinu et précaire, soit les protections sociales sont attachées à la personne et cela doit se traduire au minimum par un revenu garanti, au mieux par les moyens d'un développement humain (développement des capacités, de l'autonomie individuelle et des possibilités de valorisation de ses compétences).

Bien sûr si ce n'est plus l'entreprise qui procure les protections sociales, il devient plus difficile de justifier les charges sociales financées sur les salaires. Le financement par l'impôt (surtout la TVA s'appliquant aussi aux produits importés) devrait se substituer aux cotisations salariales et donc à la gestion de la sécurité sociale par les syndicats, qui devront disposer d'autres ressources et services. C'est bien l'ensemble de la construction qui est en cause. On comprends que ce n'est pas ce qui peut se faire à froid et qu'il faut des circonstances exceptionnelles (comme maintenant peut-être? Non, pas encore!).

Il est bien clair que personne ou presque ne veut d'un revenu garanti, cela choque les convictions précédentes, de même qu'il était impensable pour un moine qu'on puisse ne pas éprouver de peine dans le travail, considéré comme une nécessaire pénitence ! Pourtant le travail a changé en n'étant plus force de travail ni travail forcé. Un emploi est considéré comme valorisant et le travail peut même être épanouissant (ce que l'ergothérapie a montré depuis longtemps). On peut se dire qu'il est malgré tout inutile de tout chambouler et qu'il est plus simple de traiter séparément retraite, chômage, travailleurs pauvres, insertion, allocations familiales, étudiants, etc. (c'est sûrement ce qui se passera). Pourtant on rate ainsi l'essentiel car le revenu garanti n'est pas seulement une mesure symbolique unifiant le système de redistribution et d'assistance, c'est une rupture effective, une refondation des droits sur la personne, une toute autre logique économique, une "inversion de la dette" (comme dit Ehrenberg). C'est surtout une révolution dans la production, une véritable libération des nouvelles forces productives en permettant le développement des activités autonomes (informaticiens, créateurs, bénévolat, etc.) et facilitant la relocalisation de la production (artisanat, agriculture biologique, etc.).

Il y a peu, la revendication d'un revenu garanti était encore rejetée dans un avenir utopique, ne pouvant espérer mieux que d'améliorer les minima sociaux, mais il semble bien que cette revendication commence à trouver un écho dans la population (reprise explicitement de Christine Boutin à Yves Cochet) et pourrait s'imposer dans la lutte actuelle contre la précarité comme la réponse la plus adaptée, la plus ouverte sur l'avenir en même temps que la plus démocratique, conquête d'un approfondissement démocratique, d'un progrès des droits de l'homme, de la solidarité sociale et de la civilisation, dans la grande tradition révolutionnaire.

Il ne s'agit pas d'assistance mais bien d'un nouveau mode de production, d'une autre façon de travailler et de produire à l'ère de l'information, de l'écologie et du développement humain. Ce n'est pas tant parce qu'il est la seule réponse à l'insécurité économique qui se développe que le revenu garanti est incontournable, malgré son caractère révolutionnaire et la si difficile rupture idéologique qu'il implique. C'est parce qu'il est devenu possible dans nos sociétés riches, mais bien plus parce que cela correspond aux exigences écologiques de décroissance matérielle, de sortie du productivisme salarial, tout autant qu'aux besoins des nouvelles forces productives immatérielles basées sur l'autonomie cognitive, les relations et les interactions sociales. Ces nouvelles forces productives n'ont rien à voir avec l'ancienne "force de travail" de l'ère de l'énergie, force proportionnelle à la quantité produite alors que la production devient au contraire aléatoire, en tout cas non-linéaire et de plus en plus incertaine à l'ère de l'information. Cela devient de plus en plus une production sociale d'ordre statistique comme dans le domaine artistique où il n'y a qu'une réussite pour des milliers d'échecs, mais où cette réussite peut se répandre partout presque immédiatement et profiter à tous.

Dire que le revenu garanti peut être la base d'une production alternative implique qu'on ne peut en rester au revenu garanti, il faut lui associer des institutions comme des coopératives municipales, les instruments d'une production effective, relocalisée. Le revenu garanti n'est donc pas tout, il est nécessaire à la sortie du salariat mais n'est pas suffisant pour vivre une vie humaine qui a besoin de reconnaissance sociale et de valorisation de ses compétences. Le revenu garanti n'est pas destiné à payer les gens à ne rien faire mais à leur donner plus d'autonomie dans le choix de leur activité. C'est un nouveau modèle d'emploi qu'il faut promouvoir (ce que les Américains appellent un business model), c'est un nouveau système de production relocalisé qu'il faut construire, sur d'autres rapports de production, pas une prétendue "société de loisirs".

Quelle écologie supporterait l'absence de revenu garanti ? S'il faut se préoccuper de la qualité de la vie des générations futures, ce n'est pas pour négliger les générations actuelles et supporter le développement de la misère au coeur de nos pays riches. Ceux qui pensent que distribuer un revenu garanti à tous encouragerait la consommation devraient ravaler leur honte étant donné le montant de ce revenu qui n'a rien de luxueux (600€ pour Yves Cochet, ce qui semble un minimum, 750€, c'est-à-dire 75% du smic, serait plus humain par les temps qui courent). La question n'est d'ailleurs pas de savoir s'il faut un revenu garanti. Comment vivre sans, dès lors qu'il y a un chômage de masse ? Veut-on l'élimination de ce qu'on appelait au XIXè siècle la "surpopulation" ? Simplement, ce sont les familles pour l'instant qui se substituent quand elles le peuvent à un Etat défaillant, aggravant dramatiquement par là les inégalités sociales et la misère. Au contraire, rendre les pauvres indépendants du salariat et favoriser les activités autonomes constitue certainement un facteur de décroissance matérielle important (et de hausse des salaires, de l'activité locale, de la qualité de la vie), beaucoup plus que la réduction du temps de travail, de la population ou des consommations qui entretiennent l'illusion qu'on pourrait rester dans le même système en modèle réduit. Ce n'est pas le temps de travail qu'il faut réduire, c'est le travail qu'il faut changer, construire une alternative au productivisme, d'autres rapports de production, changer de modèle, changer d'ère enfin !

Le revenu garanti se trouve au noeud de cette révolution des droits sociaux à l'ère de l'information, de l'écologie et du développement humain. Il est à la base de nouveaux droits individuels permettant de retrouver un avenir et une nouvelle dignité. Il matérialise le refus de laisser des hommes dans la misère et organise une nouvelle convivialité dans les rapports humains en même temps qu'il procure les moyens de la création immatérielle et d'une sortie du productivisme. La conquête de l'autonomie financière et d'un véritable "droit à l'existence" est sans conteste un des enjeux majeurs, comparable à l'abolition de l'esclavage, de cette révolution sociale qui commence à peine et qui est loin d'être gagnée encore (attention au retour de bâton si nous échouons).

le site de Jean Zin

LA LOI DADVSI DIFFICILE A APPLIQUER

La loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information (DADVSI), adoptée en première lecture par les députés mardi 21 mars (Le Monde du 23 mars), met en place des contraventions visant les internautes fraudeurs en fonction de la gravité de leur acte. En l'état du texte, trois d'entre elles seront difficilement applicables.


L'internaute qui télécharge à des fins personnelles une oeuvre protégée est passible d'une contravention de 38 euros. Mais, techniquement, il est impossible de détecter l'acte de téléchargement sans requérir des fournisseur d'accès à Internet (FAI) une surveillance systématique de l'activité de leurs abonnés. Or cette requête est "exclue par la directive européenne de 2000 sur le commerce électronique", dit Stéphane Marcovitch, délégué général de l'Association française des fournisseurs d'accès (AFA).

L'internaute qui met à disposition du public, sans intention commerciale, un fichier protégé est passible d'une amende de 150 euros. Cet acte est détectable par des dispositifs de surveillance automatisés, indépendants des fournisseurs d'accès. Mais, indique Christophe Pallez, secrétaire général de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), "pour être dissuasif, il faudrait mettre en place un dispositif à grande échelle. On peut se poser des questions sur la faisabilité d'un tel système" qui appelle beaucoup de personnels et de gros moyens techniques et financiers. D'autant que les FAI facturent à la police ou à la justice "autour de 50 euros", dit Stéphane Marcovitch, chaque demande d'identification d'internaute. Autre problème : la loi ne dit pas si le titulaire d'un abonnement à Internet est présumé responsable d'un délit commis depuis son compte personnel.

Des sociétés d'auteurs avaient soumis à la CNIL un tel système de surveillance limité à certains logiciels de peer to peer (P2P) - utilisés pour échanger des fichiers protégés -, mais leur déploiement n'avait pas été autorisé. "Nous ne sommes plus dans ce cadre, précise toutefois M. Pallez, mais dans celui d'infractions constatées par la force publique." Dans ce cas, cette surveillance serait autorisée. Reste le plus difficile : trouver un système automatisé et efficace pour constater les infractions. "La grande variété de protocoles techniques d'échange de fichiers rend très complexe, sinon impossible, la mise en place d'un système unique de surveillance", dit Christophe Espern, membre de la Fondation pour le logiciel libre, opposée au texte de loi. En outre, ajoute M. Espern, "les internautes vont se retourner vers des systèmes cryptés et anonymes". Des logiciels comme Mute, Ants ou encore Grouper rendent impossible la détection systématique de la mise à disposition d'œuvres protégées.

Un spécialiste du dossier explique que le gouvernement pourra toujours choisir de mettre quelques officiers de police judiciaire dans un bureau, qui dresseront manuellement des contraventions. "Si c'est le cas, commente-t-il, la loi sera contre-productive : la probabilité d'être verbalisé sera très faible et le montant des contraventions n'est pas réellement dissuasif."

Le texte dispose enfin que l'édition, la commercialisation ou la distribution au public d'un logiciel "manifestement destiné" à des échanges non autorisés de musiques ou de films protégés est passible de sanctions pénales (jusqu'à trois ans de prison et 300 000 euros d'amende). Mais la majorité des éditeurs de logiciels de P2P ne sont pas français. En outre, la distribution de ces programmes se fait souvent par le biais de sites Web hébergés à l'étranger. "Notre plus grande crainte, dit M. Marcovitch, est de voir des décisions de justice nous contraindre à filtrer Internet pour rendre inaccessible tel ou tel site, au motif qu'il mettrait à disposition certains logiciels."

De telles contraintes seraient "inopérantes", selon lui. "D'une part, lorsque nous bloquons un site, nous bloquons tous les sites hébergés sur le même serveur, y compris ceux qui n'ont rien à voir avec le délit, précise-t-il. D'autre part, le temps de bloquer le site, le logiciel déclaré illicite aura migré sur d'autres serveurs et sera en définitive toujours accessible."
Stéphane Foucart

06 avril 2006

Lyon,Grenoble et les armes biologiques

Lyon, Grenoble et les armes biologiques

Si l’on vous demande où se trouvent les armes nucléaires françaises, que répondrez-vous ? Au plateau d’Albion, dans les sous-marins de l’île Longue, sous les ailes des avions mirage.
Et si l’on vous demande où se trouvent les armes biologiques françaises ? Elles n’existent pas, penserez-vous.
Vous en êtes certains ? Elles sont peut-être quelque part entre Lyon et Grenoble.

Elles sont manipulées par des ingénieurs, des chercheurs, des techniciens qui habitent peut-être près de chez vous, qui font leur marché le week-end, ont des enfants, une maison, des loisirs. Ils sont peut-être de votre famille, vous les croisez peut-être dans la rue chaque matin, vous avez confiance en eux.
Ce sont des assassins en blouse blanche, ils développent des bio et des nanotechnologies proliférantes, duales et mortifères.
1 - Des laboratoires "sans risque zéro"

"Il est absolument impossible qu’un virus sorte par accident du laboratoire. Le risque zéro n’existe pas, mais il reste purement théorique." Alain-Jean Georges, directeur du laboratoire Biomérieux, Lyon (Acteurs de l’économie, janvier 2005).

Etats-Unis, octobre 2001. Une série de lettres piégées à l’anthrax, bactérie qui provoque la maladie du charbon, fait 5 morts. Un mois après le 11 septembre, c’est l’affolement général dans la population. Evacuations de bâtiments, décontaminations de centres postaux, traitements préventifs de dizaines de milliers de personnes... Pour la première fois, une puissance occidentale est victime d’un attentat bioterroriste et prend conscience de sa vulnérabilité.

Les auteurs de ces ’’biocrimes’’ ? Ils restent inconnus. Mais un an après, l’enquête du FBI situait "la source des envois d’anthrax à l’intérieur de la communauté scientifique spécialisée. [...] le responsable de ces morts avait participé ou participait toujours aux programmes militaires de prévention contre les armes bactériologiques. [...] Les indices mènent tous vers des matériaux développés dans le cadre du programme de recherche américain sur les armes biologiques". (Le Monde, 04/07/2002)

Au centre des soupçons, le centre militaire de Fort Detrick, près de Washington. Plus exactement le laboratoire P4 de l’USAMRIID, l’Institut de recherche sur les maladies infectieuses de l’armée américaine. Le terme P4 désigne les laboratoires conçus pour manipuler des virus généralement mortels, ne connaissant ni traitement, ni vaccin, et se transmettant facilement, notamment par aérosols. "Alors même que l’USAMRIID participe à l’enquête sur les lettres contaminées, il est également soupçonné d’être la source potentielle du charbon - et peut-être le repère du terroriste lui-même. La souche du bacille, nommée Ames, qui était contenue dans les lettres, a été cultivée ici après avoir été isolée chez une vache texane, même si par la suite elle fut envoyée à plus d’une douzaine de laboratoires." (Courrier international, 5/11 sept 2002)

Fort Detrick peut sembler bien loin de nous. Il paraît bien plus proche quand on sait qu’il existe 7 laboratoires P4 dans le monde, dont un en France, basé à Lyon (Acteurs de l’économie, janvier 2005). Bien plus proche quand on sait que le seul laboratoire français spécialisé dans les recherches biologiques militaires se trouve à La Tronche, près de Grenoble.

Le laboratoire de la Tronche est relativement connu. Il a été médiatisé par l’affolement suite au 11 septembre 2001. Les puissances occidentales redoutent alors une attaque bioterroriste à la variole. Symptômes : forte fièvre, éruption de pustules ulcéreuses. Contagion : par voie aérienne et par contact des plaies. Taux de mortalité : élevé. Traitement : aucun n’est absolument efficace, mais il existe un vaccin. Les Etats-Unis décident de vacciner plusieurs millions de personnes. La France, qui a cessé la vaccination obligatoire des Français en 1979 suite aux effets secondaires parfois dangereux, constate son manque de vaccins antivarioliques. Il s’agit de reconstituer les stocks, au plus vite. Le Centre de recherches du service de santé des armées (CRSSA), en face du CHU de Grenoble, sera réquisitionné. Fort de ses 300 personnes, de son laboratoire de virologie et de ses 4,5 millions d’euros de budget annuel, il est le seul en France à être spécialisé dans les risques nucléaires, biologiques, chimiques. On vit alors "les chercheurs du CRSSA sous les feux de l’actualité" (Dauphiné Libéré, 17/10/2001).
Le laboratoire P4 "Jean-Mérieux" de Lyon est beaucoup plus discret, "se méfiant pire que la peste de la publicité." (Acteurs de l’économie, janvier 2005). On comprend vite pourquoi. Rue Tony Garnier, dans le 7ème arrondissement, on manipule "les virus dangereux pour lesquels on ne dispose ni de vaccin ni de traitement efficace, comme ceux des fièvres hémorragiques Ebola, Lassa et Marburg." (Le Monde, 24/10/2001). C’est "le seul de cette importance en Europe, en raison notamment de la présence d’une animalerie qui permet des tests sur les rongeurs, essentiellement, mais aussi quelques primates, le cas échéant. [16 cages]" (Acteurs de l’économie, janvier 2005). Construit en 1999 par la Fondation Mérieux "sans appel d’offre ni enquête préalable auprès des riverains" (Science et Vie, nov 2000), il est sous la responsabilité de l’Inserm, Institut National de la santé et de la recherche médicale, qui dépend des ministères de la santé et de la recherche. 70 personnes y travaillent. Mais le laboratoire P4 accueille aussi des chercheurs du CNRS, de l’Université Lyon I, de l’école normale supérieure, de l’Institut Pasteur, et bien sûr du CRSSA de La Tronche. But officiel de ce projet de 10 millions d’euros ? Diagnostiquer les agents pathogènes et s’en protéger. "Ce laboratoire fait partie de l’œuvre humaniste du docteur Mérieux" précise le professeur Alain Georges, directeur du P4 (Acteurs de l’économie, janvier 2005). Rappelons que le patron de la société BioMérieux est Alain Mérieux, ami de Charles Millon et de Jacques Chirac, deux grand humanistes.

Pour la sécurité du laboratoire, tout semble avoir été pensé : "badge à présenter, code confidentiel à composer, plusieurs sas à franchir, scaphandre à enfiler." (Le Monde, 24/10/2001). "L’air est changé 25 fois par heure et passe par trois filtre ’absolus’ avant d’être rejetés dans l’environnement" (Acteurs de l’économie, janvier 2005). L’animalerie est sans issue de secours "afin de parer à toute éventualité - y compris une action de commando anti-vivisection." "Tous les utilisateurs ont reçu un entraînement au stress" explique Thierry Valet, responsable de la sécurité (Acteurs de l’économie, janvier 2005). "Les dimensions infimes des virus -certains mesurent moins de 50 nanomètres de diamètre- imposent des précautions extrêmes. Ils peuvent filtrer à travers le béton ou le caoutchouc, mais les nouveaux matériaux synthétiques et les scaphandres issus de la technologie nucléaire permettent aujourd’hui de relever le défi." (Science et Vie, nov 2000). Bref, une machinerie de haute précision. "Il ne peut y avoir de laisser-aller. L’idée de vétusté, même relative, est à exclure. Un outil comme celui-ci nécessite un entretien parfait, comme un avion." Souligne le Professeur Girard, directeur du département de virologie de l’Institut Pasteur et co-responsable des activités du P4. (Science et Vie, nov 2000) Au moins, est-ce efficace ? "Il est absolument impossible qu’un virus sorte par accident du laboratoire. Le risque zéro n’existe pas, mais il reste purement théorique." souligne le directeur Alain-Jean Georges (Acteurs de l’économie, janvier 2005).

"Le risque zéro n’existe pas"... Les mots ont un sens que les lyonnais apprécieront. Alain-Jean Georges a sans doute oublié qu’un risque ne se mesure pas à sa probabilité, aussi infime soit-elle, mais à ses conséquences, ces "virus dangereux pour lesquels on ne dispose ni de vaccin ni de traitement efficace."

Et les vols, sont-ils à craindre ? "Quant à l’éventualité d’un ’casse’ à des fins terroristes, il est possible mais peu probable, le laboratoire n’abritant que de petites quantités de germes, insuffisantes dans la perspective d’une action malveillante." (Acteurs de l’économie, janvier 2005) C’est oublier que la multiplication des germes est à la portée de tout laboratoire bien équipé, le plus important étant de récupérer la souche originelle... En 1998, des journalistes de Sciences et avenir ont fait un test : peut-on voler des éléments pathogènes de l’Institut pasteur ? "Très facilement, ils se sont retrouvés devant un réfrigérateur non verrouillé contenant des fioles de toxines botuliniques" [La plus mortelle des toxines connues] (Sciences et avenir, nov 2001) Réponse de l’Institut à l’époque : "Même dans un bâtiment ultraprotégé, le problème se poserait. Si un terroriste veut récupérer une souche, il se fera passer pour un étudiant." (Sciences et avenir, nov 2001) Guère rassurant quand on lit que "Le P4 Jean Mérieux a une vocation de laboratoire d’accueil pour des équipes extérieures." (BIOFUTUR, octobre 2004)

Mais continuons notre liste des menaces pesant sur le laboratoire P4 de Lyon, c’est-à-dire sur nous. Les attaques terroristes sont-elles prévues ? "Bien des scénarios ont été passés en revue, du tir de bazooka auquel la structure peut résister jusqu’à l’irruption d’un commando". (Le Monde, 24/10/2001). Et en cas d’avion qui s’écrase, en cas de bombe ? "Aucune parade ne semble avoir été envisagée en ce qui concerne les effets dévastateurs d’un éventuel attentat à la voiture piégée." (Science et Vie, nov 2000) "La nuit, les camionnettes circulent dans l’enceinte pour livrer le laboratoire d’analyses médicales mitoyen. Il est vrai qu’il y a beaucoup de va-et-vient et qu’on ne peut pas tout surveiller.", admet le professeur Girard (Science et Vie, nov 2000). Mais le préfet du Rhône tient à nous rassurer : "Dans l’hypothèse (peu probable) d’une agression de type explosif entraînant une rupture massive du confinement, les virus seraient tous détruits car ces derniers ne supportent pas des températures supérieures à 50 degrés". (’Science et Vie, nov 2000)
Nous voilà moins optimistes quand, quelques lignes plus loin, le même article nous apprend que "le chauffage à 50 degrés des virus n’est efficace que s’il est prolongé pendant au moins trente minutes." Notre préfet du Rhône semble être au courant, puisqu’il a classé le P4 comme "un point sensible au plan militaire." Sa sécurité "relève d’une commission nationale de hauts gradés qui [...] a donné son aval dans un document classé ’’confidentiel Défense’’. (Science et Vie, nov 2000) "Confidentiel Défense"... Là encore, les lyonnais apprécieront.

Cette brève présentation des laboratoires lyonnais et grenoblois ne manquera pas d’attiser la polémique. Gageons que pour les plus optimistes, il ne faut pas verser dans le "catastrophisme". La France n’est pas les Etats-Unis. Le P4 de Lyon n’est pas celui de Fort Detrick. Pour les plus pessimistes (ou les plus responsables, c’est selon), Biomérieux et le CRSSA sont vulnérables aux vols, aux attentats, aux fuites des savoir-faire et aux accidents.
2 - L’horreur scientifique

"Les OGM, ça sert aussi à faire la guerre." (Le Monde, 19/01/2002).

Lyon et Grenoble n’abritent pas seulement deux laboratoires "sans risque zéro". Ces villes sont également le fer de lance européen des bio et nanotechnologies.

En Isère, 7000 personnes travaillent dans les biotechnologies. Premier centre de recherche technologique en Rhône-Alpes : le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) de Grenoble. Celui-ci regroupe 3000 personnes, dont autant de biologistes que de physiciens (La menace, bioterrorisme : la guerre à venir, Dominique Leglu, Laffont, 2002). Un chiffre qui doublera avec l’ouverture en 2005 de Minatec, pôle de nanotechnologies cofondé par le CEA et l’Institut National Polytechnique de Grenoble (INPG). 4500 professeurs, chercheurs, ingénieurs, étudiants, pour 169 millions d’euros d’investissements (dont 75% publics). Minatec devrait être lui-même accompagné de Biopolis, structure visant à développer la liaison recherche-industrie autour des biotechnologies. Citons également le "Rhône-Alpes Génopole" et le "Cancéropôle", tous deux spécialisés dans la génomique (connaissance des gènes) ou la protéomique (connaissance des protéines).

Tous ces projets sont présentés comme porteurs d’innovations dans le domaine médical et industriel. "Après la miniaturisation apportée par les microtechnologies, les nanotechnologies permettront des avancées significatives pour l’étude du vivant. A l’échelle du nanomètre, les dimensions du monde biologique (molécules telles que acides nucléiques et protéines) sont atteignables par des nano-outils physiques ou chimiques, et permettent de repousser les frontières de notre connaissance..." (Françoise Charbit. Cellule de Développement Régional, projet NanoBio, CEA Grenoble, INPG)

Minatec, Biopolis, Genopole, Canceropole... Inutile de préciser que toutes ces installations sont copieusement financées par les collectivités locales, le conseil général de l’Isère et le conseil régional Rhône-Alpes. "Ici, les élus ont été vaccinés à la high-tech. Cela permet d’avancer plus vite et d’éviter de se poser des questions métaphysiques." nous explique François Brottes, député PS du Grésivaudan, maire de Crolles (Le Monde, 17/04/02).

Mais voilà, le "high tech" a son revers. Les bio et nano sont des technologies duales qui suscitent les plus vives inquiétudes.

Un exemple ? La manipulation des gènes. Le dossier "bioterrorisme" du magazine BIOFUTUR d’octobre 2004 est riche d’enseignements. Voici ce qu’affirment Patrice Binder, médecin chef au service de santé des armées, et André Ménez, chercheur au CEA : "Les micro-organismes génétiquement modifiés sont une source potentielle d’agents biologiques pour des terroristes." Et nos chercheurs de dresser une "liste non exhaustive des propriétés qui pourraient être recherchées" : "micro-organismes anodins transformés pour lui faire produire une toxine bactérienne, animale (scorpion), végétale (ricine)", " micro-organismes résistant aux antibiotiques (antiviraux), aux vaccins classiques", " micro-organismes exprimant des antigènes déjouant les systèmes de détection ou de diagnostic standart". Et oui, "Les OGM, ça sert aussi à faire la guerre." (Le Monde, 19/01/2002). On peut "insérer les gènes de la toxine du choléra dans le génome de bactéries coliformes. Pas de détection possible avec de simples analyses biologiques." "On peut prendre aussi le virus du rhume, y incorporer une portion de gène d’une toxine de scorpion, par exemple, et en faire quelque chose de plus dangereux que le banal coryza." (Sciences et avenir, nov 2001) ou encore "greffer des éléments du virus du sida dans le virus de la grippe" (Le Monde, 15/07/2002). On continue la liste des horreurs ? "On peut rendre pathogène une bactérie inoffensive et bien connue, telle Escherichia coli, en lui insérant des gènes de toxicité empruntés au génome de bactéries dangereuses. [...] Ces techniques sont déjà pratiquement maîtrisées." (Le Monde,19/01/02)

De la science-fiction ? Pas vraiment. La revue scientifique Vaccine nous apprend qu’en décembre 1997, des savants russes ont modifié génétiquement une souche de maladie du charbon de façon à la rendre insensible aux vaccins existants contre cette bactérie. "Le génie génétique permet maintenant, en manipulant le génome des agents classiques de la guerre biologique -peste, maladie du charbon, tularémie, etc.- de les rendre beaucoup plus dangereux qu’ils ne le sont déjà." (Le Monde, 19/01/02)
Et dans ce domaine, l’imagination est sans limite. Découvrez les ’’armes ethniques’’ ! "introduire un virus ’’silencieux’’ dans le génome d’une population donnée, virus qui serait réveillé ultérieurement par un signal chimique. [...] L’idée, explique David Sourdive, un spécialiste français de l’étude des génomes, est de réaliser une arme ciblée sur une population choisie et préalablement ’’marquée’’ par un virus." (Le Monde, 19/01/02) On imagine l’intérêt militaire d’une telle application...

Un second exemple de biotechnologie duale ? Les microbiologistes s’intéressent aux peptides, des molécules encore plus petites que les protéines. Dans l’organisme, elles régulent la production d’autres molécules, par exemple les hormones. De ce fait, elles jouent un rôle dans le sommeil, l’humeur ou les émotions. Le contrôle des peptides pourrait constituer des armes biologiques "incapacitantes", c’est-à-dire neutralisant l’adversaire sans le détruire totalement. Les recherches sont abondantes dans ce domaine, notamment "au CEA (Direction des sciences du vivant) où l’on travaille au clonage et à la synthèse de gènes produisant ces toxines d’un nouveau genre, afin d’apprendre à s’en prémunir." (Dominique Leglu, opus cité) Seulement à s’en prémunir ?

Autre illustration de la dualité microbiologique : la création ex nihilo de virus. La revue Science explique comment, en juillet 2002, des chercheurs du département de génétique moléculaire et de microbiologie de New York ont réalisé la synthèse chimique de l’ADN du virus de la polio, "à partir de séquences d’ADN achetées par correspondance et d’une formule chimique trouvée sur Internet." (Libération, 03/10/2002)
Donnez-nous les plans, nous fabriquons le virus ! Or "Si l’on peut créer -ou recréer- par synthèse un virus comme celui de la poliomyélite, rien n’interdit d’imaginer que d’autres constructions de formes de vie à partir d’éléments inertes sont possibles." (Le Monde, 15/07/2002)
Pourquoi pas la variole, la peste bubonique, l’Ebola...

Nous pourrions allonger cette liste des horreurs biotechnologiques. Dominique Raymond-Vidal, chercheur au CRSSA, nous met en garde : "Les progrès des sciences pharmaceutiques, et de la galénique en particulier, avec les nanotechnologies, la micro-encapsulation, les adjuvants, les antistatiques, la stabilisation des substances biologiques, des poudres et des aérosols, sont également à prendre en compte dans le risque de détournement à des fins agressives." (BIOFUTUR, octobre 2004)

Comme le résume si bien un expert de la délégation générale de l’armement : "En fait, il n’y a rien en biologie qui ne soit transposable sur le plan militaire." (Le Monde, 19/01/2002)

Et les militaires ne s’y trompent pas, semble-t-il. Ils sont présents dans tous les projets bio et nanotechs Rhône-Alpin. Le CEA et la DGA sont partenaires de Minatec. Le CRSSA est impliqué dans le P4 de Lyon. Le projet de recherche ’’Nanobio’’ (voir partie 3) est le fer de lance du CEA. L’armée est au conseil d’administration de l’ADEBAG, l’association pour le développement des biotechnologies à Grenoble, qui porte le projet Biopolis. C’est bien simple, l’armée est partout.

La dualité des bio et nanotechnologies ? Les chercheurs en sont parfaitement conscients. Des mises en garde apparaissent régulièrement dans leurs publications. Ainsi, toujours Dominique Raymond-Vidal : "Les scientifiques doivent être avertis des risques de détournement de leur recherche et ils doivent conduire leurs projets selon des règles d’éthique rigoureuses." (BIOFUTUR, octobre 2004).
Et la population, doit-elle être avertie ? Quant aux "règles d’éthique rigoureuses", qui les établit, qui les contrôle ? Notre chercheur grenoblois du CRSSA n’a sans doute pas lu les articles de son collègue du CEA : "Les gènes de la plupart des micro-organismes (virus, bactéries...) sont manipulés ou transférés dans le cadre de recherches agroalimentaires, industrielles et surtout en santé humaine, animale ou végétale tout à fait légitimes. Mais les connaissances ainsi acquises ont un caractère dual qui ne peut être occulté." (BIOFUTUR, octobre 2004) En bref, les biotechs sont dispersées à tout vent, dans l’industrie et l’agriculture. Ce qui n’empêche pas les mêmes chercheurs de réclamer un "débat éthique", " un contrôle scientifique et réglementaire" pour "éviter que ces constructions ne soient source de prolifération" de "technologies et de savoir-faire". (BIOFUTUR, octobre 2004). Autant de belles déclarations d’intentions reprises allègrement par Le Monde, Libération, les revues spécialisées, etc.

Mais si les risques des bio et nano-recherches font l’unanimité, personne ne remet en question la recherche elle-même. Celle-ci est toujours présentée comme humaniste et désintéressée . Un refrain bien résumé par Patrice Binder et André Ménez, du CEA : "Si les biotechnologies sont développées pour le bien de l’humanité, on ne peut exclure, a priori, la possibilité de détournements de ces intentions louables." (BIOFUTUR, octobre 2004). Ah, si des méchants ne s’emparaient pas de nos gentilles découvertes... On tombe des nues devant la (fausse) naïveté de ces grands scientifiques. Comme si un siècle de progrès sans merci (film, Jean Druon, 2001) n’avait pas mis en évidence que toute technologie est, tôt ou tard, utilisée de la pire manière qui soit. Comme l’ont expliqué Jacques Ellul (Le système technicien, Le cherche-midi, 2004), Ivan Illich (La convivialité, Fayard, 2004) ou Gunther Anders (L’Obsolescence de l’homme, Encyclopédie des nuisances, 2001), il n’y a pas une "bonne" recherche qui serait "mal" utilisée. Il y a une recherche, et il importe que l’humanité décide si oui ou non elle est prête à en assumer toutes les conséquences possibles.

Mais, au CEA, on ne lit ni Ellul, ni Illich, ni Anders...En revanche, on affirme que "les biotechnologies sont développées pour le bien de l’humanité".

Le bien de l’humanité, ce serait peut-être réaliser que deux français sur trois meurent du cancer, dont 80 à 90 % résultent de la dégradation de notre environnement. (Le Monde, 14/02/04 ; Ces maladies créées par l’Homme, D. Belpomme, Albin Michel, 2004 ; La société cancérigène, G. Barbier et A. Farrachi, La Martinière, 2004). Les bio et nanotechnologies seront sans doute très utiles pour créer des "mini-pompes à insuline", des "mini-caméras pilules", des implants oculaires et auditifs, et autres prothèses palliatives. Mais pourrait-on plutôt s’attaquer à la source de nos maux : les rejets chimiques et radioactifs dans l’Isère, ceux de CFC, de dioxines des incinérateurs qui pullulent en Rhône-Alpes, les pesticides, les additifs agro-alimentaires ? Ce serait sans doute trop demander. Pourquoi s’attaquer aux causes des pollutions et des maladies, quand le remède aux effets et la production de substituts dopent la croissance économique ?
3 - Biodéfense, la biofuite en avant

"pour faire accepter les technologies de surveillance et de contrôle, il faudra probablement recourir à la persuasion et à la réglementation en démontrant l’apport de ces technologies à la sérénité des populations et en minimisant la gêne occasionnée". (Livre bleu, propositions des industries électroniques et numériques, GIXEL, juillet 2004)

Sommes-nous les seuls à être effrayés par les nouvelles armes biologiques que rendent possibles bio et nanotechnologies ? Pas si sûr. Le bioterrorisme constitue une préoccupation croissante des autorités occidentales. En France, "Depuis 1996, les fonds gouvernements [sic] dédiés à la recherche contre les armes biologiques ne cessent d’augmenter. Le budget français est encore faible [3 millions d’euros] mais il devrait tripler l’année prochaine." (L’Usine Nouvelle, octobre 2001) Aux Etats-Unis, 3,5 milliards de dollars ont été dépensés en 2003 pour la lutte contre le bioterrorisme.

C’est que les ’’bioarmes’’ semblent particulièrement adaptées aux actions terroristes. Alors qu’une bombe nucléaire nécessite de grosses infrastructures et des budgets colossaux, les armes biologiques sont les "armes du pauvre." (Le Monde, 11/09/2002). "Il est possible de monter un laboratoire biologique de pointe et de le rendre opérationnel avec 10 000 dollars d’équipements achetés dans le commerce, le tout abrité dans une pièce de 4 m sur 5." (Jeremy Rifkin, Le Monde, 06/10/2001). Or "un petit laboratoire sommairement équipé pourrait suffire à confectionner de manière artisanale et très discrète une arme biologique efficace" (Que sais-je ? Les armes biologiques, Patrice Binder, Olivier Lepick, PUF, 2001). En 1999, le Pentagone lance le programme "Bacchus". Objectif : vérifier la faisabilité de construire une petite usine d’armes biologiques à partir de matériels disponibles dans le commerce. Résultat concluant. (Dominique Leglu, ibid.)

Or, une fois le virus ou la toxine ’’militarisés’’ (c’est-à-dire rendus efficaces), il suffit d’une bouche d’aération, et c’est l’hécatombe." Un attentat bioterroriste peut [également] avoir pour vecteur un moyen de transport (avion, métro, bus...), le réseau d’eau potable, des produits alimentaires, ou encore le circuit postal. Bref, la vulnérabilité est totale." (Le Monde, 03/03/05)

Les parades ? Le plan BIOTOX, activé par le gouvernement français depuis octobre 2001, donne le ton. Ses objectifs : "renforcement de la détection des attaques, de la décontamination et de la production d’antidotes." (L’usine nouvelle, oct 2001) Ce n’est pas pour rien que "la production d’antidotes" est le dernier de la liste. Face à un virus OGM de type inconnu, il n’existera pas d’antidotes. Ni de vaccins. "Les experts estiment qu’il faut trois à quatre ans pour militariser un agent infectieux de virulence augmentée ou résistant au traitement, alors qu’il faut dix à 15 ans pour développer un vaccin efficace autorisé par les agences de médicaments." (Dominique Raymond-Vidal, CRSSA, BIOFUTUR, octobre 2004) De plus, il est impossible de vacciner toute la population sur tous les agents infectieux potentiels du bioterrorisme. Sans compter qu’un vaccin doit être administré plusieurs jours ou semaines avant l’exposition, c’est-à-dire généralement trop tard. En attendant, on peut toujours mettre du chlore (produit cancérigène) dans l’eau potable... "Le programme Biotox a changé le goût de l’eau. Pour neutraliser une éventuelle contamination des réseaux par la Toxine Botulique [la plus mortelle], les distributeurs ont reçu pour consigne d’augmenter la chloration de l’eau à 0,3 mg par litre, pour atteindre 0,1 mg par litre au robinet. (Libération, 11/03/03)

Oublions donc la "production d’antidotes." Restent le "renforcement de la détection des attaques" et la "décontamination". Comme pour les attaques nucléaires, il s’agira de détecter les bioattaques, décréter l’état d’urgence, confiner les populations, décontaminer la zone, compter les survivants... Mais, auparavant, surveiller la population, traquer le terroriste, ficher les opposants politiques, ceux qui, comme l’auteur présumé de l’attentat à l’anthrax aux Etats-Unis, ont un "grief envers la société" (New York Times, 23/06/2002).

Et si certains s’y opposent ? "La sécurité est très souvent vécue dans nos sociétés démocratiques comme une atteinte aux libertés individuelles. Il faut donc faire accepter par la population les technologies utilisées et parmi celles-ci la biométrie, la vidéosurveillance et les contrôles. [...] pour faire accepter les technologies de surveillance et de contrôle, il faudra probablement recourir à la persuasion et à la réglementation en démontrant l’apport de ces technologies à la sérénité des populations et en minimisant la gêne occasionnée". Telle est la proposition du GIXEL , lobby dont fait partie le CEA-Léti de Grenoble (Livre bleu, propositions des industries électroniques et numériques, GIXEL, juillet 2004). On comprend l’intérêt du CEA-Léti pour le tout-sécuritaire. Car, en ce domaine, les nanotechnologies ouvrent des perspectives inimaginables : puces sous-cutanées, nano-caméras, traceurs... Contre les risques générés par le "high tech", produisons davantage de "high tech" ! "La science et la technologie sont devenues les meilleures alliées de la police. Neuro-sciences, imagerie cérébrale, techniques d’identification high tech, armes neutralisantes et non plus mortelles : dans le secret des laboratoires se trame activement l’avenir de la lutte contre la criminalité." (Science et vie, octobre 2002) Reste à définir ce que le mot "criminalité" recouvre...

Les bioarmes rejoignent en cela le lobby nucléaire. En mars 2005, Interpol organise à Lyon une conférence internationale intitulée "Prévenir le bioterrorisme". Le Ministre de l’Intérieur Dominique de Villepin , présente son projet : créer une base de données internationales sur le modèle de l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique) qui comporterait "une cartographie des laboratoires sensibles, un réseau d’alerte pour les vols, les disparitions et les transactions suspectes de produits sensibles, ainsi qu’une liste de groupes ou d’individus faisant l’objet d’une vigilance accrue, parce qu’ils ont tenté de s’approprier des agents sensibles." Le ministre de l’intérieur a également "préconisé des efforts de ’sécurisation accrue’ des laboratoires spécialisés dans ce domaine." (Le Monde, 03/03/05).

Mais surveiller la population ne suffira pas. Tôt ou tard, l’attaque bioterroriste peut survenir. Or, sans moyens de détection, une bioattaque est identifiée par l’apparition simultanée de nombreux cas d’une pathologie. La vitesse de contagion peut être telle que chaque heure compte (BIOFUTUR, octobre 2004). Il faut donc détecter l’attaque avant même l’apparition des premiers symptômes chez la population. Problème : les méthodes actuelles (comptage lasers de particules, analyseurs d’air, électrophorèse...) sont peu fiables. Pas de panique, les bionanotechniciens proposent leur "antidote" : les biopuces...

Les biopuces allient microélectronique et biologie. De quelques cm2 seulement, elles sont conçues pour analyser des milliers de séquence d’ADN ou de protéines. On peut s’en servir pour évaluer l’activité de certains gènes, détecter des virus, des mutations génétiques, la présence de pathogènes dans l’eau ou la nourriture. (L’Usine Nouvelle, 10/07/03). Selon Science & Vie de décembre 2001, la Délégation Générale pour l’Armement finance trois sociétés privées -Proteus à Nîmes, Thales Industrial Services, à Arcueil, et Berlin Technologies, à Montigny-le-Bretonneux- pour qu’elles développent en France ce "tout nouveau système de détection d’attaques biologiques [...] Cette biopuce mise au point par la firme américaine Affymetrix, permet de déterminer l’agent pathogène d’un sujet infecté." Notons qu’Affymetrix collabore avec le laboratoire BioMérieux (D. Leglu, opus cité). Mais elle n’est pas seule sur ce marché prometteur. A Grenoble, le CEA et BioMérieux ont leur propre filiale spécialisée dans les biopuces : Apibio, dirigée par Marc Cuzin, ancien de l’INP de Grenoble. Apibio a déjà mis au point des kits d’analyse pour l’agro-alimentaire (détection de bactéries, de salmonelles, d’OGM) et travaille sur des kits adaptés aux domaines industriels et militaires.

C’est qu’il n’y a pas seulement les armes biologiques qu’il va falloir apprendre à détecter. "Des installations industrielles, chimiques ou médicales, des laboratoires pharmaceutiques ou des centres de recherche biologique ont été recensés comme étant des sources de contamination et de toxicité potentielles, à l’instar du site AZF de Toulouse dont l’explosion fit, en septembre 2001, trente morts. Ces installations se multiplient avec l’industrialisation croissante des villes et de leur périphérie. Le danger ne viendrait plus seulement de défaillances dans la sécurité, la manipulation, le stockage ou le transport de ces produits dangereux. Les dites installations peuvent devenir la cible d’actes de malveillance ou d’agressions pour frapper les esprits et atteindre dans leur chair les populations voisines." (Le Monde, 20/12/02) Bonne nouvelle : entre Lyon et Grenoble, ces installations sont légion. Zone chimique de Pont-de-Claix, Rhodia, Atofina, Eurotungstène, le CEA, ST Micro, Soitec, Memscap, etc. avec leurs stocks de gaz liquides, de fluor, de sulfates, leurs consommations d’eau, leurs pollutions et déchets. Est révélateur, à cet égard, le transfert de phosgène de la zone chimique de Toulouse, à celle de Grenoble.

Va-t-on remettre en cause l’industrialisation, la croissance, la ruée vers le "high tech" ? Imaginer la décroissance ? Au contraire. Depuis 2002, le CEA de Grenoble lance le projet "Nanobio", un pôle de 200 à 250 chercheurs pour " répondre aux attentes d’une société de plus en plus préoccupée par deux problèmes majeurs : la santé et la sécurité." Mais, surtout, la sécurité : " préoccupation croissante, elle concerne aussi le champ des biotechnologies, du fait des risques de pollution, de bioterrorisme ou de suivi de traçabilité alimentaire. " A quoi le projet NanoBio entend parer par la mise au point des biopuces : "des capteurs pour détecter [...] la présence d’agents pathogènes (accidentels ou délibérés) dans l’eau, l’air, la chaîne alimentaire." (Le Projet NanoBio. CEA Grenoble-UJF. 20/02/03)

Pourquoi s’attaquer aux rejets de gaz carbonique qui asphyxient Lyon et Grenoble quand des biocapteurs peuvent nous alerter des pics de pollution ? Pourquoi donner du grain à la volaille, de l’herbe au bétail, quand la traçabilité nous permet de savoir de quel animal exactement nous aurons contracté l’encéphalite spongiforme ? Pourquoi supprimer les pesticides de nos champs, l’amiante de nos constructions, le benzène de nos industries, le chlore de nos robinets, les additifs de nos aliments, quand une biopuce nous préviendra en temps réel du développement de nos cancers ?
4 - Grenoble et Lyon, centres de recherche en bioattaque ?

"la montée en puissance du bioterrorisme attire l’attention sur un phénomène tout aussi préoccupant : l’exploitation par certains Etats des progrès de la biologie moléculaire pour créer de nouvelles armes de guerre." (La Recherche, décembre 2001)

Les recherches étatiques sur les armes biologiques ne datent pas d’aujourd’hui. Dans les années 30, le Japon construit "l’unité 731", un centre de recherche qui expérimente des armes biologiques. 150 bâtiments, 3000 scientifiques et techniciens, plusieurs milliers de prisonniers-cobayes. Charbon, peste, choléra... "entre 1932 et 1945, au moins dix mille prisonniers sont morts de ces infections expérimentales ou ont été exécutés après l’expérimentation." Les armes ainsi créées seront utilisées contre la Chine pendant la seconde guerre mondiale. (D. Leglu, opus cité).
Dans les années 40, le Royaume-Uni produit 5 millions de paquets imprégnés de bacille du Charbon, à larguer au-dessus de l’Allemagne. Ce ne sera jamais fait. En revanche, des bombes biologiques seront testées sur l’île de Gruinard, au large de l’Ecosse. Cette île restera contaminée pendant 40 ans. (D. Leglu, ibid.)

Jusqu’en 1992, l’URSS travaillait activement aux armes biologiques. Le complexe militaro-industriel "Biopreparat" regroupait plus de 60 000 personnes autour d’un vaste programme de recherche. Des missiles intercontinentaux chargés de la bacille de la peste et du virus de la variole ont été mis au point. Des souches de charbon transgénique et autres hybrides ont été inventés. En 1979, l’usine militaire de Svlerdosk explose. Un nuage contaminé par la bacille du charbon se répand dans le village voisin. Au moins un millier de morts. (Biosecur, Bioterror, Ken Alibek, 2004)

Qu’en est-il des Etats-Unis ? Dès 1940, le centre de Fort Detrick se consacre aux armes biologiques. Il peut compter sur le savoir-faire des experts japonais de l’unité 731, exfiltrés aux Etats-Unis après la guerre. 5000 bombes remplis du bacille de charbon sont mises au point. De nombreux agents pathogènes sont militarisés : la tularémie, la toxine botulinique, la brucellose, la fièvre Q, la rouille des céréales... Les Etats-Unis sont accusés d’avoir utilisé des bioarmes lors de la guerre de Corée, et de l’avoir prévu pour Cuba. Jusqu’en 1968, l’armée américaine pratique également des "expériences de largage de bactéries inoffensives au-dessus de certaines grandes villes", pour "connaître le comportement et le degré de résistance de leurs agents pathogènes dans des conditions ’normales’ d’emploi."

Coup d’arrêt en 1969 : le président Nixon s’engage à mettre fin aux programmes militaires de Fort Detrick : "Les Etats-Unis limiteront leurs recherches biologiques à des mesures défensives." (Germes, Miller, Engelberg et Broad, Fayard, 2001)

Seulement des mesures défensives ? Il est permis d’en douter. Certains de ces programmes dits de "biodéfense" ont un caractère très "bioffensif". Ainsi, de 1997 à 2000, la CIA lance le projet "Clear Vision". Objectif : recréer et tester une réplique des petites bombes bactériologiques élaborées par l’URSS dans les années 80. Autre exemple : dans les années 90, le Pentagone charge la firme Battelle de créer une version "améliorée" (OGM) du bacille du charbon. Objectif officiel : vérifier l’efficience du vaccin mis au point pour l’armée américaine. (D. Leglu, ibid.)

Pourtant, les Etats-Unis sont signataires du traité international de 1972, ratifié par 143 Etats, interdisant la production, le stockage et l’utilisation d’armes biologiques. Ceci dit, "Le traité comportait de nombreuses lacunes. [...] il n’établissait aucun critère de distinction entre les travaux offensifs et défensifs [...] et n’envisageait pas le moindre mécanisme d’application et de contrôle." (Germes, opus cité) En 2001, ces lacunes ont tenté d’être comblées par un projet de protocole de vérification, élaboré à Genève. Proposition rejetée par Washnington qui "se réserve de protéger son industrie et ses programmes de défense." (Libération, 22/08/2001) De quoi alimenter toutes les suspicions.

Et en France ? Sa position vis-à-vis des armes chimiques a de quoi nous inquiéter. En mars 1988, le premier ministre Jacques Chirac déclarait "que la France se devait d’avoir un stock minimal d’armes chimiques à des fins purement dissuasives." (Le Monde, 11/09/2002) Selon le Monde Diplomatique de décembre 1999, la France effectuait en 1987 des recherches sur les armes chimiques "binaires" : deux produits inoffensifs s’ils sont séparés, mortels s’ils sont mélangés. Recherches stoppées en 1990 semble-t-il (selon Claude Meyer, ex Commandant de l’école de Défense NBC -nucléaire, biologique et chimique- et Alain Jouan, médecin militaire du CRSSA, lors d’un café "Science et guerre" à Lyon). Et les armes biologiques ? En novembre 2002, le Washington Post publie une enquête du FBI affirmant que la France possède des stocks non déclarés du virus de la variole. Une révélation prestement et fermement démentie par les plus hautes autorités françaises. (Libération, 07/11/02)

Ne soyons pas naïfs. Les armes biologiques passionnent l’armée. Comment ne pas être "fasciné par une arme de destruction massive si peu chère comparée aux armes chimiques ou à la bombe atomique" (Germes, opus cité), par ces bio et nanotechnologies capables de créer des armes "ethniques", "incapacitantes" ? Pourquoi s’en priver, au moins à titre dissuasif ? C’est ce que sous-entend le magazine La Recherche de décembre 2001 : "la montée en puissance du bioterrorisme attire l’attention sur un phénomène tout aussi préoccupant : l’exploitation par certains Etats des progrès de la biologie moléculaire pour créer de nouvelles armes de guerre." Puis La recherche fait le lien avec les biocapteurs : " On peut raisonnablement commencer à réfléchir [...] à une puce à ADN capable de reconnaître dans un échantillon donné toutes les séquences connues codant pour des agents pathogènes ; qu’il s’agisse ou non d’un agent génétiquement modifié, le repérage d’une seule séquence à risques suffirait à donner l’alerte. " Autrement dit, les Etats vont créer des capteurs capables de reconnaître les agents pathogènes hybrides qu’ils auront fabriqué... En France, qui d’autre que le laboratoire P4 de Lyon pourrait créer ces "nouvelles armes de guerre" ?

Voire les confier à des groupes défendant nos intérêts. C’est ce qu’affirme Michel-Jean Allary, expert en biochimie du SGDN (Secrétariat général de la défense nationale) : "depuis quelques années, la prolifération chimique et/ou biologique semble évoluer d’une réalité étatique vers une composante terroriste. [...] Cette prolifération est à la portée de groupes organisés. Ils peuvent être soutenus scientifiquement et financièrement par des Etats, cela présente l’avantage pour ces derniers d’être moins décelables." (D. Leglu, opus cité) On se souviendra de la liaison CIA/Ben Laden...
5 - Criminalité scientifique : tolérance zéro

" Vous en savez déjà suffisamment. Moi aussi. Ce ne sont pas les informations qui nous font défaut. Ce qui nous manque, c’est le courage de comprendre ce que nous savons et d’en tirer les conséquences." (Sven Lindqvist, Exterminez toutes ces brutes, Le serpent à plumes, 1998)

Résumons les éléments rassemblés jusqu’ici :

1. Lyon et Grenoble abritent deux laboratoires vulnérables aux attentats, aux vols, aux accidents, aux fuites de savoir-faire.

2. Lyon et Grenoble sont également le pôle européen de développement des bio et nanotechnologies. Or ces technologies sont duales, elles "servent aussi à faire la guerre".

3. L’armée est présente dans tous ces projets. Officiellement, elle ne s’intéresse qu’aux programmes de "biodéfense". C’est oublier qu’il y a 30 ans, le programme nucléaire offensif se masquait aussi derrière ses applications civiles (Dominique Lorentz, Affaires atomiques, Les arènes, 2001 ; Bruno Barillot, Le complexe nucléaire, CDRPC, 2005). Quand on lit que "les armes biologiques pourraient bien jouer au XXIème siècle le rôle des armes nucléaires au XXe" (Libération, 22/08/2001), comment ne pas imaginer que le même jeu macabre pourrait se rejouer, à notre insu, entre Lyon et Grenoble ?

4. Nos sociétés sont vulnérables aux risques biologiques. L’Etat s’appuie sur cette vulnérabilité pour justifier la course technologique vers le "tout-sécuritaire" (biométrie) ou la "détection des attaques" (biopuces).

Cela se passe ici, chez nous.
Ce sont des ingénieurs, des chercheurs, des techniciens qui habitent près de Lyon ou de Grenoble, qui font leur marché le week-end, ont des enfants, une maison, des loisirs.

Les lecteurs d’Hanna Arendt savent ce qu’est la "banalité du mal". Les auteurs de Germes (opus cité) décrivent Bill Patrick, un spécialiste du programme des armes biologiques de Fort Detrick : "Ses souvenirs, tueries d’animaux, infections d’êtres humains, découvertes de nouveaux instruments de mort, ne le tourmentaient pas. Tout cela, à ses yeux, relevait de l’opiniâtreté militaire, de la dissuasion nécessaire, de la sauvegarde des forces nationales. ’’A l’époque, l’objectif était de résoudre le problème, non d’ergoter sur les ramifications philosophiques de ce que nous étions en train de faire, nous dit-il. Le vendredi, quand nous plaisantions, assis en rond, ce n’était pas pour dire : "Nous avons l’obligation morale de réduire ceci ou cela !" mais : "Comment allons-nous augmenter la concentration ?" On ne reliait jamais notre activité à des gens’’."

Y-a-t-il des Bill Patrick entre Lyon et Grenoble, et combien sont-ils ?

Nous voulons connaître tous les impacts sociaux et environnementaux des bio et nanotechnologies. Nous voulons savoir tout ce qui se trame en notre nom, de Lyon à Grenoble. Existe-t-il des programmes militaires d’armes biologiques menés au P4 de Lyon et au CRSSA de La Tronche ?

Nous voulons que cesse cette course folle dans les bio et nanotechnologies, dont on sait qu’elles sont par essence proliférantes, duales, mortifères. Nous ne voulons plus d’une science orientée par les applications militaires et industrielles. Nous voulons une science orientée par le bien commun.

Nous ne voulons pas entendre parler des arguments du type "si c’est pas nous ce seront les autres", encore moins du chantage à l’emploi. Pour nous, nos enfants et nos petits-enfants, pour nos amis et les enfants de nos amis, nous voulons connaître et que soit connus les risques de toute recherche. Nous ne voulons pas être des cobayes. Nous voulons décider collectivement de ce dont nous avons besoin.

L’ignorance est une des bases du consentement. Plus que jamais, nous avons besoin de radicalité, c’est-à-dire d’aller à la racine des choses. Une démarche indispensable pour mettre à jour ce qui se trame en notre nom, effectuer les changements nécessaires à une vie digne. Cela dépend de chacun de nous, de notre capacité à dépasser la résignation, propager l’information, s’organiser collectivement.

Lyon, 1er octobre 2005

Service Civil Lyonnais
Copyleft
Diffusion massivement encouragée

Service Civil Lyonnais

P.S.

BIBLIOGRAPHIE

- Les armes biologiques, Que sais-je ? Patrice Binder, Olivier Lepick, PUF, 2001
- La menace, bioterrorisme : la guerre à venir, Dominique Leglu, Laffont, 2002
- Germes, les armes biologiques et la nouvelle guerre secrète, Miller, Engelberg et Broad, Fayard, 2001
- La guerre des germes, Ken Alibek, Presses de la cité, 2000

- Le système technicien, Jacques Ellul, Le cherche-midi, 2004
- La convivialité, Ivan Illich, Fayard, 2004
- L’Obsolescence de l’homme, Gunther Anders, Encyclopédie des nuisances, 2001
- Affaires atomiques, Dominique Lorentz, Les arènes, 2001
- Le complexe nucléaire, Bruno Barillot, CDRPC, 2005
- La société cancérigène, G. Barbier et A. Farrachi, La Martinière, 2004
- Ces maladies créées par l’Homme, D. Belpomme, Albin Michel, 2004